Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2025-6511 AN du 5 juin 2025, s’est prononcé sur les conséquences du défaut de dépôt d’un compte de campagne. Cette affaire concerne un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024 n’ayant pas respecté les prescriptions comptables légales. Bien qu’il ait obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés, l’intéressé n’a produit aucun document comptable dans le délai imparti. Saisi par la commission nationale chargée du contrôle des financements politiques, le juge électoral devait apprécier le caractère justifié de cette omission. Le candidat invoquait notamment la précipitation ayant marqué cette période électorale particulière pour expliquer l’absence de dépôt de son compte de campagne. La question posée était de savoir si ce manquement formel justifiait le prononcé d’une inéligibilité malgré les circonstances invoquées par le requérant. La haute juridiction retient la particulière gravité du manquement et prononce une inéligibilité de trois ans à l’encontre du candidat négligent.
**I. L’impératif de transparence financière des campagnes électorales**
**A. Une obligation de dépôt strictement encadrée par le code électoral**
L’article L. 52-12 dispose que chaque candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Ce document doit retracer l’ensemble des recettes perçues ainsi que les dépenses engagées en vue de l’élection de manière exhaustive. Le dépôt doit intervenir avant le dixième vendredi suivant le scrutin, fixant ainsi une limite temporelle précise et rigoureuse pour tous les candidats. Cette règle garantit l’égalité entre les compétiteurs et permet un contrôle effectif du plafonnement des dépenses électorales par l’autorité de régulation. Le défaut de dépôt constitue une rupture majeure avec les exigences de probité attendues de la part des citoyens sollicitant un mandat national.
**B. L’inefficience de l’argument tiré de la précipitation électorale**
Pour sa défense, le candidat faisait valoir que « la période a été marquée par une grande précipitation » lors de l’organisation du scrutin. Le juge électoral écarte cependant ce moyen en précisant qu’aucune circonstance particulière ne permettait de justifier la méconnaissance des obligations légales. La brièveté des délais électoraux ne saurait dispenser les candidats de la rigueur nécessaire à la gestion de leurs fonds de campagne. Cette sévérité jurisprudentielle souligne que les impératifs de transparence prévalent sur les difficultés matérielles ou temporelles rencontrées par les équipes militantes. L’ordre public électoral impose ainsi une vigilance constante qui ne souffre aucune exception liée aux conditions politiques du moment.
**II. La sévérité de la sanction face à la gravité du manquement**
**A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité**
L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat n’ayant pas déposé son compte en cas de « volonté de fraude ». La jurisprudence considère que l’absence totale de dépôt représente intrinsèquement un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes. Le Conseil constitutionnel relève que l’intéressé était formellement tenu à cette obligation dès lors qu’il remplissait les conditions de seuil électoral. L’omission délibérée ou par négligence fait obstacle à toute vérification ultérieure de l’origine et de la destination des fonds engagés. Cette qualification juridique justifie dès lors l’application d’une sanction exemplaire visant à protéger l’intégrité du processus démocratique national.
**B. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée aux enjeux de probité**
La décision frappe le candidat d’une inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de son prononcé public. Cette mesure prive temporairement l’intéressé du droit de se porter candidat, assurant ainsi une fonction préventive et répressive indispensable au droit électoral. Le Conseil constitutionnel exerce sa mission de gardien de la régularité des opérations électorales en écartant les profils ne respectant pas les règles financières. La publication de cette décision au Journal officiel assure une publicité nécessaire pour informer les électeurs et les futurs candidats des risques encourus. La rigueur de cette solution confirme la place centrale du compte de campagne dans l’architecture juridique régissant les compétitions politiques françaises.