Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, s’est prononcé sur les conséquences du non-respect des obligations comptables lors des élections législatives de juin 2024. Une candidate s’étant présentée dans la quatrième circonscription du Haut-Rhin a vu son compte de campagne rejeté par l’autorité administrative de contrôle des comptes de campagne. Ce rejet faisait suite à l’absence totale d’ouverture d’un compte bancaire par son mandataire financier pour retracer l’ensemble des opérations de financement électoral. Saisie par ladite autorité le 19 février 2025, la juridiction constitutionnelle devait déterminer si un tel manquement justifiait une déclaration d’inéligibilité de l’intéressée. Le juge confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en soulignant la gravité du manquement aux règles de financement. L’examen de cette décision impose d’analyser d’abord la caractérisation de la faute comptable avant d’étudier la portée de la sanction d’inéligibilité retenue.
I. La caractérisation du manquement substantiel aux obligations de financement
A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire dédié
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique pour retracer la totalité des opérations financières de campagne. Cette règle constitue un pilier de la transparence électorale en permettant un contrôle effectif des recettes et des dépenses par l’organe de régulation. En l’espèce, le juge relève que « son mandataire financier n’avait pas ouvert de compte bancaire », ce qui constitue une violation directe des dispositions législatives. Cette obligation ne souffre aucune exception dès lors qu’un mandataire est désigné pour gérer les fonds nécessaires à la conquête des suffrages. L’absence de compte bancaire empêche toute vérification sérieuse de la réalité et de la provenance des fonds utilisés par le candidat.
B. La validation du rejet du compte par le juge électoral
L’organe de contrôle des comptes de campagne a rejeté la comptabilité de l’intéressée en se fondant sur l’absence flagrante de traçabilité bancaire. Le Conseil constitutionnel valide cette analyse en affirmant que « c’est à bon droit » que l’autorité administrative a prononcé le rejet du compte litigieux. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante traitant l’absence de compte bancaire comme une irrégularité substantielle ne pouvant être régularisée a posteriori. La formalité n’est pas purement administrative mais garantit l’équilibre et la sincérité du scrutin par un suivi rigoureux des flux financiers. Une telle carence prive les dispositions du code électoral de leur effet utile en rendant opaque le financement de la vie politique.
II. L’appréciation souveraine de la sanction d’inéligibilité
A. La reconnaissance d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible un candidat en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Le juge constitutionnel considère ici que le défaut d’ouverture de compte présente ce caractère de gravité justifiant l’éviction de la vie publique. La décision précise que ce manquement porte sur une règle dont la candidate « ne pouvait ignorer la portée » compte tenu de la clarté des textes. La négligence de l’intéressée est ainsi assimilée à une faute lourde remettant en cause la probité attendue de tout prétendant à un mandat national. Le caractère élémentaire de l’obligation méconnue renforce la sévérité de l’appréciation portée par les membres du Conseil sur le comportement de la candidate.
B. La modulation temporelle de l’inéligibilité prononcée
Le dispositif de la décision déclare la candidate inéligible « pour une durée d’un an à compter de la présente décision » conformément aux pouvoirs du juge. Cette durée d’un an reflète une volonté de sanctionner fermement l’irrégularité sans pour autant prononcer le maximum légal prévu par le code électoral. La proportionnalité de la peine est assurée par l’examen des circonstances de l’espèce et l’absence d’observations produites par l’intéressée lors de la procédure. Cette mesure vise à protéger l’ordre public électoral en écartant temporairement ceux qui s’affranchissent des règles comptables indispensables à la démocratie. La décision assure ainsi la primauté de la transparence financière sur le droit de se porter candidat aux élections législatives ultérieures.