Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6515 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision relative au contentieux électoral des législatives dans la quatrième circonscription de la Martinique. Un candidat aux élections des 29 juin et 6 juillet 2024 n’a pas respecté les délais impératifs de dépôt de son compte de campagne. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le Conseil constitutionnel le 19 février 2025 après sa décision du 10 février. L’instruction a été complétée par une mesure ordonnée le 6 mai 2025 et par des observations enregistrées au secrétariat le 16 mai suivant. L’intéressé avait obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de ce scrutin législatif organisé dans le département. Il était donc légalement tenu de déposer un compte équilibré avant le 6 septembre 2024 à dix-huit heures précises selon les textes. Or, le dépôt effectif de ce document comptable n’est intervenu que le 9 septembre 2024, soit trois jours après l’expiration du délai légal. Le juge constitutionnel devait déterminer si le dépôt tardif du compte de campagne caractérisait un manquement d’une particulière gravité justifiant une sanction. Le Conseil constitutionnel a conclu à la gravité du manquement et a prononcé l’inéligibilité du candidat pour une durée de un an. Cette étude portera sur la caractérisation du manquement aux obligations comptables avant d’envisager les conséquences juridiques de la sanction d’inéligibilité retenue.

I. La caractérisation d’un manquement temporel aux obligations comptables

Le raisonnement du juge constitutionnel repose sur le constat matériel de la violation des délais avant de refuser toute justification au candidat fautif.

A. La rigueur du calendrier de dépôt des comptes de campagne

Le Conseil rappelle que l’article L. 52-12 impose de déposer le compte « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour ». Cette exigence temporelle assure la transparence financière nécessaire à la sincérité du scrutin et à l’égalité entre les différents candidats en présence. En l’espèce, le retard de trois jours place le candidat en dehors du cadre protecteur instauré par le législateur pour le financement électoral. La méconnaissance du délai constitue une violation directe des prescriptions législatives dont le respect conditionne la validité des opérations de financement de campagne. La constatation de ce retard purement chronologique conduit naturellement la juridiction à examiner les éventuelles justifications avancées par la personne visée.

B. L’absence de circonstances justificatives admises par le juge

Le juge souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » de ces obligations. Cette formulation classique témoigne de la volonté du Conseil de maintenir une application stricte des règles de forme face aux arguments de défense. Le candidat n’a pas su démontrer l’existence d’un événement de force majeure ou d’une erreur administrative insurmontable expliquant ce dépôt tardif fautif. Le manquement est donc établi sans ambiguïté matérielle, ouvrant ainsi la voie à l’application des sanctions prévues par le code électoral français. L’établissement définitif du manquement permet alors au Conseil constitutionnel de fixer la sanction appropriée en fonction de la gravité de la faute commise.

II. La sévérité de la sanction d’inéligibilité au titre du code électoral

La juridiction constitutionnelle définit la qualification juridique de la faute avant de déterminer la portée exacte de l’interdiction de se présenter aux élections.

A. La qualification juridique de la particulière gravité du manquement

Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article L.O. 136-1 permettant de sanctionner un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». La juridiction souveraine estime que le non-respect du délai de dépôt revêt par lui-même un caractère de gravité suffisant pour justifier une sanction. Cette appréciation souveraine évite que des négligences répétées n’affaiblissent le contrôle exercé par la Commission nationale sur les comptes de chaque personne candidate. Le juge constitutionnel protège ainsi l’ordre public électoral en sanctionnant sévèrement tout écart notable par rapport aux procédures de transparence financière obligatoires. La caractérisation de cette gravité particulière entraîne l’application d’une mesure d’inéligibilité dont le juge doit encore préciser les modalités et la durée.

B. La portée temporelle limitée de l’inéligibilité prononcée

La sanction consiste ici en une inéligibilité à tout mandat pour une durée de un an à compter de la date de la décision. Cette mesure frappe directement le candidat pour sa faute personnelle tout en respectant le principe de nécessité des peines en matière de droit électoral. Le choix d’une période d’un an reflète une certaine modération par rapport aux plafonds supérieurs prévus par les textes organiques pour les fraudes graves. La décision sera notifiée aux autorités compétentes et publiée officiellement pour assurer l’efficacité de l’interdiction de se présenter à de futures échéances électorales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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