Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, a statué sur le financement de la campagne d’un candidat aux élections législatives. L’intéressé a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés dans la première circonscription de Mayotte lors du scrutin des 30 juin et 7 juillet 2024. Ce seuil déclenche l’obligation légale de déposer un compte de campagne retraçant l’intégralité des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 19 février 2025 pour défaut de dépôt. Le candidat n’a produit aucune observation durant l’instruction malgré la possibilité qui lui était offerte de justifier le respect de ses obligations comptables. Le juge doit décider si l’absence totale de compte constitue une violation assez grave des règles électorales pour entraîner une mesure d’inéligibilité. La juridiction constate que le manquement présente une particulière gravité et prononce une interdiction de se présenter à tout mandat pendant trois ans.
I. La caractérisation d’une méconnaissance objective des obligations de financement
A. Le cadre impératif du dépôt des comptes de campagne
L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat atteignant le seuil de 1 % des voix de soumettre un compte de campagne équilibré. Le Conseil souligne qu’il est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés » selon les dispositions législatives. Ce dépôt doit intervenir avant le dixième vendredi suivant le scrutin pour permettre un contrôle efficace de la régularité des fonds par l’autorité administrative. L’exigence comptable assure l’égalité entre les candidats tout en luttant contre l’influence excessive de l’argent occulte sur le libre choix des électeurs.
B. L’absence constatée de justifications exonératoires
Le juge relève que le candidat n’a transmis aucun document à la Commission nationale des comptes de campagne à l’expiration du délai légal imparti. L’instruction n’a révélé aucune circonstance particulière « de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 » du code électoral. Le mutisme de l’intéressé durant la procédure contentieuse confirme l’absence d’obstacles matériels ou juridiques ayant pu empêcher la confection de son dossier financier. La constatation objective de cette omission place le magistrat devant la nécessité d’apprécier la sanction proportionnée à cette violation flagrante des règles publiques.
II. La répression d’une faute grave affectant la probité électorale
A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 permet au Conseil de déclarer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » au financement. Le défaut total de dépôt prive l’administration de tout pouvoir de contrôle sur l’origine et la destination des fonds utilisés durant la période électorale. Cette opacité délibérée nuit gravement à la sincérité du scrutin et constitue une rupture d’égalité inacceptable avec les autres candidats ayant respecté la loi. Le juge qualifie logiquement cet acte de faute grave puisque l’omission ne résulte pas d’une simple erreur matérielle mais d’une abstention totale et injustifiée.
B. La portée de la sanction d’inéligibilité triennale
La décision fixe la durée de l’inéligibilité à trois ans à compter de son prononcé pour sanctionner la méconnaissance flagrante des principes de probité. Cette mesure prive le contrevenant du droit de briguer un nouveau mandat national ou local afin de protéger l’intégrité des futures consultations démocratiques. La jurisprudence confirme ici sa volonté de réprimer sévèrement les candidats qui se soustraient volontairement aux mécanismes essentiels de la transparence de la vie publique. La publication de cette décision au Journal officiel assure l’effectivité de la sanction et l’information des électeurs sur l’indignité temporaire de l’ancien candidat.