Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6516 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2025-6516 AN du 19 juin 2025, statue sur le respect des règles de financement des campagnes électorales législatives. Lors du scrutin s’étant déroulé en juin 2024, un candidat a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés au sein de sa circonscription. L’organe chargé du contrôle des comptes de campagne a saisi le juge électoral le 19 février 2025 après avoir constaté l’absence de dépôt comptable. La saisine a été communiquée à l’intéressé, lequel n’a cependant produit aucune observation pour justifier le non-respect du délai légal de production des pièces. La question posée au juge est de savoir si l’absence totale de dépôt de compte de campagne constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant l’inéligibilité. Le juge constitutionnel répond par l’affirmative, déclarant le candidat inéligible pour une durée de trois ans en raison de la méconnaissance caractérisée des obligations législatives.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux impératifs de transparence électorale

A. L’obligation de dépôt du compte de campagne liée aux résultats du scrutin

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte de campagne lorsqu’il obtient au moins 1 % des suffrages exprimés. Ce document doit retracer « l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection ». Le dépôt doit intervenir au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin auprès de l’autorité administrative chargée de la vérification. Cette règle garantit la sincérité du scrutin et le contrôle effectif des ressources financières mobilisées par les différents prétendants lors de la compétition électorale. Le candidat, ayant franchi le seuil de représentativité requis, se trouvait légalement contraint de justifier de la régularité et de l’équilibre de sa gestion.

B. L’absence de justification face au défaut de production comptable

Le juge électoral relève qu’à l’expiration du délai légal, l’intéressé « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu ». L’instruction menée par le rapporteur ne révèle aucune « circonstance particulière » de nature à justifier la méconnaissance des obligations impératives résultant du code électoral. L’absence de réponse aux sollicitations de l’administration ou du juge renforce le constat de la négligence fautive commise par le candidat durant la procédure. Cette carence empêche tout contrôle sur l’origine des fonds et le respect du plafonnement des dépenses nécessaires à la préservation de l’équité démocratique. La protection de l’ordre public électoral exige une rigueur absolue dans la transmission des documents comptables par les citoyens sollicitant un mandat national.

II. La sanction juridictionnelle de l’omission des obligations de financement

A. La reconnaissance d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 autorise le Conseil constitutionnel à prononcer l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Le juge estime que l’absence totale de dépôt, sans justification probante, revêt précisément ce caractère de gravité exceptionnelle au regard de la loi organique. Cette qualification juridique permet de sanctionner sévèrement les comportements qui font obstacle à la mission de vérification dévolue à l’autorité de contrôle financier. La jurisprudence constitutionnelle maintient une ligne ferme en considérant le défaut de dépôt comme une atteinte majeure à la transparence nécessaire du financement politique. Le magistrat n’exige pas la preuve d’une intention frauduleuse dès lors que le manquement matériel est objectivement d’une importance déterminante pour l’élection.

B. La portée de l’inéligibilité prononcée par le juge électoral

« Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », le juge électoral prononce l’inéligibilité du candidat pour une durée de trois ans à compter de sa décision. Cette sanction interdit à l’intéressé de se présenter à tout mandat électif durant cette période, garantissant ainsi l’intégrité des futurs processus de désignation. La décision, publiée au Journal officiel, s’impose aux pouvoirs publics ainsi qu’à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu des textes constitutionnels. Elle illustre la fonction de régulateur du juge qui assure le respect effectif des règles encadrant l’accès aux responsabilités et aux fonctions publiques. L’inéligibilité constitue la réponse nécessaire à la rupture d’égalité entre les candidats respectueux des contraintes légales et ceux s’en affranchissant volontairement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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