Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6553 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 5 juin 2025, s’est prononcé sur les conséquences juridiques du défaut de dépôt d’un compte de campagne. Un candidat aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024 a obtenu plus de 1 % des suffrages exprimés lors du scrutin. En vertu des dispositions législatives, ce résultat lui imposait de déposer un état financier retraçant l’ensemble des recettes et des dépenses engagées pour sa campagne. Cependant, à l’expiration du délai légal fixé au dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, aucun document n’a été transmis à l’autorité de contrôle.

Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques le 28 février 2025, la juridiction constitutionnelle a examiné la situation. Le candidat a fait valoir que des obstacles bancaires rencontrés par son mandataire financier avaient empêché la transmission de son compte dans les délais requis. Il n’a toutefois produit aucun élément probant permettant d’attester l’envoi effectif du document avant la date limite fixée par le code électoral. La question posée aux juges consistait à déterminer si l’absence de dépôt justifiait le prononcé d’une inéligibilité malgré les difficultés techniques invoquées.

Le Conseil constitutionnel a considéré que « ces circonstances ne sont pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». Constatant un « manquement d’une particulière gravité », les sages ont déclaré l’intéressé inéligible pour une durée de trois années à compter de la présente décision. L’analyse portera d’abord sur la rigueur des obligations comptables pesant sur les candidats avant d’étudier la sévérité de la sanction attachée au défaut de dépôt.

**I. La rigueur impérative des obligations comptables électorales**

**A. Le caractère obligatoire du dépôt du compte de campagne**

L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés d’établir et de déposer un compte de campagne. Cette règle garantit la transparence du financement de la vie politique et assure l’égalité entre les différents compétiteurs lors des consultations électorales nationales. Le texte précise que le compte « doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit » afin d’éviter tout endettement excessif des candidats.

Le respect des délais de dépôt constitue une condition substantielle de cette obligation légale qui ne souffre, en principe, aucune exception ni aucun retard. Dans sa décision du 5 juin 2025, la juridiction rappelle fermement que l’intéressé « n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu ». Cette exigence permet à la commission de contrôle de vérifier l’origine des fonds et la nature des dépenses dans un temps compatible avec le contentieux.

**B. L’inefficience des difficultés pratiques invoquées**

Pour justifier son manquement, le candidat invoquait des difficultés rencontrées par son mandataire financier pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire spécifique à l’élection. Cette défense est classique dans le contentieux électoral mais elle se heurte systématiquement à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur la responsabilité personnelle du candidat. Les obstacles techniques ou administratifs ne dispensent pas l’intéressé de veiller personnellement à l’exécution de ses obligations comptables dans le calendrier imparti par la loi.

Le juge souligne que « ces circonstances ne sont pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations » car le candidat doit anticiper ces éventuels désagréments logistiques. L’absence de preuves matérielles concernant l’envoi du compte dans les délais prescrits renforce ici la position de la juridiction face aux simples allégations du requérant. La rigueur manifestée par le juge constitutionnel conduit ainsi à une qualification juridique sévère des faits constatés lors de l’instruction du dossier.

**II. La sévérité de la sanction attachée au défaut de dépôt**

**A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité**

Aux termes de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les règles de financement des campagnes. Cette mesure suppose néanmoins la constatation d’une « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité » aux prescriptions édictées par les textes en vigueur. Le défaut total de dépôt d’un compte de campagne est traditionnellement analysé comme une faute majeure qui altère la sincérité du contrôle financier.

En l’espèce, le Conseil constitutionnel affirme que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », il y a lieu de faire application de la sanction. Cette formule lapidaire démontre que l’absence de transparence est perçue comme une atteinte directe à l’ordre public électoral qui nécessite une réponse juridictionnelle ferme. Le juge ne recherche pas nécessairement une intention frauduleuse dès lors que l’omission matérielle est totale et dépourvue de justifications sérieuses et vérifiables.

**B. Le prononcé d’une inéligibilité triennale**

La sanction prononcée consiste en une interdiction de se présenter à tout mandat électoral pour une durée déterminée par la juridiction dans la limite légale. Le Conseil constitutionnel fixe cette période à trois ans à compter de sa décision, privant ainsi l’intéressé de ses droits civiques pour les scrutins à venir. Cette durée témoigne de la volonté du juge de sanctionner lourdement les négligences graves qui font obstacle à la mission de la commission nationale.

La décision est exécutoire immédiatement et fait l’objet d’une publication officielle afin d’informer les électeurs et les autorités administratives de l’incapacité électorale du candidat. L’inéligibilité constitue ainsi le corollaire indispensable de la discipline comptable imposée par le législateur pour assainir les pratiques de financement de la vie politique. Cette jurisprudence réaffirme que la méconnaissance des règles de forme peut entraîner des conséquences de fond majeures sur la carrière politique des citoyens candidats.

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Hassan KOHEN
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