Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6554 AN du 20 juin 2025

Par une décision n° 2025-6554 AN rendue le 19 juin 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur l’inéligibilité d’un candidat aux élections législatives. Ce dernier avait obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin organisé les 30 juin et 7 juillet 2024. Le litige porte sur l’absence de dépôt du compte de campagne dans le délai légal imparti par les dispositions du code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 28 février 2025. Le candidat soutient que des difficultés bancaires rencontrées par son mandataire financier expliquent ce défaut de transmission. Le Conseil constitutionnel doit déterminer si l’absence de dépôt du compte justifie une déclaration d’inéligibilité malgré les obstacles matériels invoqués. Les sages rejettent l’argumentation du candidat et prononcent une inéligibilité de trois ans en raison de la particulière gravité du manquement.

I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations comptables

L’article L. 52-12 du code électoral impose aux candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages de déposer un compte de campagne équilibré. Ce document doit être transmis à la commission compétente avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin sous peine de sanctions.

A. Le caractère impératif du délai de dépôt des comptes

Le juge rappelle que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne ». Cette obligation de transparence permet un contrôle effectif de l’origine des recettes et de la nature des dépenses engagées pour l’élection. Le délai de dépôt, fixé au dixième vendredi suivant le scrutin, revêt un caractère impératif pour garantir la célérité du contrôle administratif. En l’espèce, le candidat n’a pas déposé son compte à l’expiration du délai alors qu’il y était légalement tenu par ses résultats électoraux.

B. La sévérité de la qualification de la particulière gravité

Selon l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge peut déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité ». Le Conseil constitutionnel considère que l’absence totale de dépôt constitue intrinsèquement une violation majeure des règles de financement de la vie politique. Cette carence empêche toute vérification de la régularité des fonds utilisés et porte atteinte à l’égalité entre les différents candidats. Le juge constitutionnel exerce ici un contrôle strict qui ne laisse que peu de place à l’appréciation des circonstances atténuantes purement formelles.

II. L’inefficacité des justifications matérielles face à la sanction d’inéligibilité

Le candidat tentait de justifier son retard par l’impossibilité pour son mandataire financier d’obtenir l’ouverture d’un compte bancaire dans les délais requis. Le Conseil constitutionnel écarte ce moyen de défense pour maintenir une application rigoureuse et uniforme des règles relatives au contentieux électoral.

A. Le rejet des difficultés bancaires comme cause d’exonération

Le Conseil affirme que la difficulté d’ouverture d’un compte bancaire « n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 ». La jurisprudence administrative et constitutionnelle refuse traditionnellement de voir dans les aléas matériels du mandataire une circonstance de force majeure. Le candidat demeure responsable de la diligence de son mandataire et doit anticiper les obstacles prévisibles liés à la gestion financière de sa campagne. Cette solution protège l’effectivité de la règle de droit contre les défaillances individuelles qui pourraient multiplier les demandes de dérogation.

B. La portée dissuasive de l’inéligibilité de trois ans

La décision prononce l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette durée correspond à la pratique constante du Conseil pour les absences de dépôt non justifiées de manière exceptionnelle. La sanction vise à écarter de la vie publique les candidats qui négligent les principes fondamentaux de la probité électorale. Elle assure ainsi la pérennité du système de financement public dont la contrepartie nécessaire est une transparence comptable absolue et strictement encadrée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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