Le Conseil constitutionnel a rendu, le 20 juin 2025, une décision marquante concernant le contentieux des élections législatives organisées en juin et juillet 2024. Une candidate à la députation dans le département des Vosges a fait l’objet d’un signalement par la Commission nationale des comptes de campagne. Le litige trouve son origine dans l’absence de compte bancaire spécifique ouvert par le mandataire financier pour retracer les opérations liées à l’élection. Par une délibération du 25 novembre 2024, la Commission administrative a rejeté le compte de la candidate pour violation manifeste des dispositions législatives. Elle a ensuite saisi le juge constitutionnel afin de solliciter le prononcé d’une mesure d’inéligibilité à l’encontre de l’intéressée. Devant la juridiction, la candidate arguait que plusieurs établissements bancaires avaient opposé des refus systématiques à ses demandes d’ouverture de compte. Le problème juridique posé aux sages consiste à savoir si le défaut de compte bancaire dédié constitue un manquement justifiant une telle sanction. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de rejet et déclare la candidate inéligible pour une durée d’un an compte tenu de la gravité constatée. Le raisonnement de la haute instance s’appuie sur la force de l’obligation comptable avant d’examiner la qualification de la sanction retenue.
I. La rigueur de l’obligation d’ouverture d’un compte bancaire unique
A. Le caractère impératif de la formalité substantielle
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire d’ouvrir « un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette règle fondamentale permet de garantir la transparence financière et d’assurer une traçabilité rigoureuse de l’ensemble des recettes et des dépenses électorales. Le Conseil constitutionnel relève que l’absence totale de compte bancaire ne permet pas de vérifier l’origine réelle des fonds utilisés par la candidate. La haute juridiction estime que « cette circonstance est établie » et valide ainsi le rejet préalable du compte de campagne par la Commission nationale. L’ouverture de ce compte spécifique constitue une condition essentielle à la sincérité du scrutin et à l’égalité entre les différents candidats.
B. L’insuffisance des obstacles bancaires comme motif d’exonération
La candidate tentait de justifier l’inexistence du compte en invoquant « les refus qui auraient été opposés par plusieurs établissements bancaires » à ses sollicitations. Le juge électoral écarte cet argument en considérant que ces difficultés matérielles ne sauraient à elles seules justifier la méconnaissance des prescriptions légales impératives. Il appartient en effet au candidat de mettre en œuvre les procédures de droit au compte pour surmonter les éventuelles réticences des organismes prêteurs. En se montrant particulièrement exigeant, le juge rappelle que les contraintes extérieures n’effacent pas la responsabilité pesant sur les prétendants à un mandat national. Cette fermeté renforce l’effectivité du contrôle exercé sur les financements politiques tout en évitant le contournement des règles par une simple négligence.
L’irrecevabilité du compte étant confirmée, il convient alors d’analyser les conséquences juridiques que le juge attache à cette carence administrative.
II. La sanction de l’inéligibilité face à la gravité du manquement
A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 du code électoral permet au Conseil de déclarer inéligible le candidat dont le compte présente un « manquement d’une particulière gravité ». L’absence de compte bancaire dédié prive l’organe de contrôle de toute possibilité de vérification sérieuse sur la provenance des dons et des dépenses. Le Conseil constitutionnel juge que ce défaut de transparence altère substantiellement la probité nécessaire à l’exercice d’un mandat de représentant du peuple souverain. En retenant la notion de « particulière gravité », le juge électoral souligne que cette omission constitue une faute majeure dans le processus démocratique moderne. La décision s’inscrit ainsi dans une jurisprudence protectrice de l’ordre public électoral qui ne tolère aucune approximation dans la gestion des fonds.
B. La portée de la mesure de privation du droit d’éligibilité
Le Conseil décide de prononcer l’inéligibilité de la candidate pour une durée d’un an à compter de la notification de la présente décision. Cette sanction prive temporairement l’intéressée de la possibilité de solliciter les suffrages des électeurs lors de futures échéances locales ou nationales. Cette mesure dissuasive avertit les futurs candidats sur la nécessité impérieuse de respecter scrupuleusement les formalités comptables dès le début de leur campagne. Elle garantit également que seuls les citoyens respectueux des lois organiques sur le financement politique peuvent accéder aux responsabilités publiques au sein de l’Assemblée. La rigueur de la solution retenue par les juges de la rue de Montpensier assure finalement la pérennité et la crédibilité du contrôle électoral.