Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6559 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, une décision importante relative au contentieux de l’élection d’un député à l’Assemblée nationale. Cette espèce s’inscrit dans le cadre du contrôle de la régularité des opérations de financement des campagnes électorales lors des scrutins législatifs. À l’issue du scrutin des 30 juin et 7 juillet 2024, une candidate a soumis son compte de campagne au contrôle administratif obligatoire. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte par une décision datée du 25 novembre 2024. L’instance a ensuite saisi le juge constitutionnel le 4 mars 2025 afin qu’il statue sur la situation de la candidate concernée. La requérante soutient que l’absence de compte bancaire spécifique résulte exclusivement des refus opposés par plusieurs établissements financiers sollicités durant sa campagne. La question de droit consiste à déterminer si l’absence de compte bancaire dédié constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel juge que le rejet est fondé et déclare la candidate inéligible pour une durée d’une année civile complète.

**I. Le rappel de l’impératif de transparence financière des campagnes**

**A. La méconnaissance caractérisée d’une obligation formelle substantielle**

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire unique retraçant la totalité des opérations financières de la campagne. Cette règle permet d’assurer une traçabilité parfaite des flux monétaires et garantit l’équilibre entre les candidats lors de la compétition électorale. Dans cette affaire, il est établi que « son mandataire financier n’avait pas ouvert de compte bancaire » conformément aux exigences législatives très précises. Le juge souligne ici que cette formalité ne constitue pas une simple modalité technique mais une condition essentielle du contrôle des fonds publics. Cette obligation permet en effet de distinguer clairement les ressources personnelles de l’aspirant au suffrage de celles dédiées à ses activités électorales.

**B. La validation logique du rejet prononcé par la commission nationale**

Le Conseil constitutionnel confirme que la commission a agi « à bon droit » en prononçant le rejet global du compte de la candidate. Cette décision administrative s’explique par la violation directe des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 relatif à l’unicité du compte. Le non-respect de cette procédure interdit au régulateur de vérifier l’origine exacte des recettes et la nature réelle des dépenses engagées. L’absence de compte bancaire empêche ainsi toute mise en état d’examen efficace par les services compétents de la commission nationale. La sanction du rejet apparaît donc inévitable dès lors que la sincérité et la transparence du compte ne peuvent être matériellement assurées.

**II. La rigueur du juge constitutionnel face aux manquements graves**

**A. L’insuffisance des obstacles bancaires comme motif d’exonération**

La candidate invoquait les refus opposés par plusieurs établissements bancaires pour justifier l’absence d’un compte dédié à ses opérations financières de campagne. Le juge constitutionnel estime toutefois que « cette circonstance n’est pas de nature, à elle seule, à justifier la méconnaissance des obligations » légales. Cette position rigoureuse rappelle que le candidat dispose de voies de recours spécifiques, notamment auprès de la Banque de France, pour obtenir l’ouverture forcée. La simple passivité ou l’échec des démarches amiables ne saurait donc couvrir l’omission d’une règle d’ordre public aussi fondamentale. L’étanchéité des circuits financiers demeure un principe supérieur que les difficultés pratiques rencontrées par les candidats ne peuvent pas écarter.

**B. La mise en œuvre d’une sanction d’inéligibilité proportionnée**

L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes ». Le Conseil constitutionnel qualifie l’absence totale de compte bancaire comme un manquement de cette nature au regard des impératifs de la sincérité. En conséquence, il prononce l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour « une durée d’un an à compter de la présente décision ». Cette sanction assure le respect futur des règles de financement et préserve l’intégrité globale du processus de désignation des représentants nationaux. La durée d’un an reflète la volonté du juge de sanctionner fermement une négligence qui porte atteinte à la clarté du financement électoral.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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