Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, une décision relative au contrôle des comptes de campagne pour les élections législatives de juin 2024. Un candidat a saisi la juridiction après le rejet de son compte par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Les faits révèlent que l’intéressé n’a pas respecté les prescriptions impératives du code électoral concernant la désignation de son mandataire financier. La procédure a conduit la Commission à constater plusieurs manquements substantiels avant de saisir le juge de l’élection pour statuer sur l’éligibilité du candidat. La question posée au Conseil constitutionnel porte sur la sanction applicable en cas de méconnaissance délibérée et cumulée des règles de financement électoral. Les juges confirment le rejet du compte et prononcent une inéligibilité de trois ans en raison de la particulière gravité des manquements constatés. L’étude de cette décision nécessite d’analyser la constatation des manquements aux règles de financement avant d’examiner la rigueur de la sanction attachée à leur gravité.
I. La constatation de manquements substantiels aux règles de financement
A. L’irrégularité tenant à la personne et aux obligations du mandataire financier
Le Conseil rappelle que « tout candidat à une élection déclare un mandataire » au plus tard à la date d’enregistrement de sa propre candidature. Cette règle garantit la transparence des fonds et assure une séparation stricte entre le patrimoine du candidat et les finances de la campagne. Dans cette espèce, le candidat était président de l’association de financement qu’il avait lui-même désignée comme mandataire au titre de l’élection. Une telle confusion méconnaît frontalement les dispositions de l’article L. 52-5 qui interdisent au candidat d’être membre de sa propre association de financement. Par ailleurs, le mandataire financier est légalement tenu d’ouvrir un compte bancaire unique pour retracer l’ensemble des opérations financières liées à la campagne électorale. L’absence d’ouverture d’un tel compte constitue une violation substantielle empêchant tout contrôle efficace de l’origine et de la destination des fonds perçus.
B. La sanction du règlement direct des dépenses de campagne
Le droit électoral impose que le mandataire financier règle seul les dépenses engagées, sauf pour des montants considérés comme faibles et tout à fait négligeables. Les juges soulignent que le candidat a ici « réglé directement 773 euros, soit la totalité du montant des dépenses » figurant dans son propre compte. Cette pratique prive de toute substance le rôle du mandataire et contrevient aux dispositions protectrices du troisième alinéa de l’article L. 52-4 du code. Le Conseil constitutionnel juge ainsi que « c’est à bon droit » que la Commission nationale a rejeté le compte en raison de ces circonstances établies. Cette décision souligne l’importance de la traçabilité financière qui demeure la pierre angulaire de l’égalité entre les différents candidats devant le suffrage universel.
II. La rigueur de la sanction attachée à la gravité des manquements
A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible un candidat ayant commis un « manquement d’une particulière gravité » aux règles de financement électorales. Le Conseil constitutionnel apprécie souverainement cette gravité en tenant compte de la nature des obligations méconnues et de la volonté manifeste de s’y soustraire. En l’espèce, le cumul de trois irrégularités majeures témoigne d’une méconnaissance globale du cadre légal par le candidat lors des opérations de vote. Les juges retiennent que ces fautes présentent un caractère substantiel et que l’intéressé « ne pouvait ignorer la portée » de telles obligations juridiques impératives. La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui sanctionne sévèrement l’absence de compte bancaire dédié ou la confusion entre candidat et mandataire financier.
B. La proportionnalité de l’inéligibilité de trois années
Le Conseil décide de prononcer l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée de trois ans » à compter de la date du présent délibéré. Cette durée illustre la volonté du juge de protéger la probité de la vie politique et de prévenir de futures réitérations de tels comportements. La sanction ne se limite pas aux seules élections législatives mais s’étend à l’ensemble des mandats électifs auxquels le citoyen pourrait normalement prétendre. Cette sévérité est justifiée par le fait que la totalité des dépenses a été réglée hors du circuit légal de contrôle du mandataire. La publication de cette décision au Journal officiel assure enfin l’information des électeurs et la pleine efficacité de la mesure de police électorale ainsi édictée.