Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025

Par une décision du 20 mars 2025, le Conseil constitutionnel examine la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Plusieurs députés saisissent la juridiction afin de contester diverses dispositions simplifiant les régimes applicables aux activités agricoles et forestières. Les requérants invoquent notamment la méconnaissance du droit de vivre dans un environnement équilibré et du principe de séparation des pouvoirs. La procédure suit les règles de l’article 61 de la Constitution après l’adoption définitive du texte par le Parlement. La question principale repose sur la conciliation entre l’objectif de souveraineté alimentaire et le maintien des protections environnementales. Le juge constitutionnel valide les objectifs programmatiques tout en censurant les mesures privant le milieu aquatique de garanties légales suffisantes.

**I. L’encadrement constitutionnel des objectifs de souveraineté alimentaire**

**A. La validation des dispositions programmatiques relatives à l’agriculture**

Le Conseil constitutionnel souligne que la souveraineté alimentaire constitue un objectif dont le législateur peut librement apprécier l’opportunité dans le cadre de sa compétence. Les juges précisent que les dispositions contestées « se bornent à fixer comme objectif à l’action de l’État de protéger, valoriser et développer l’agriculture et la pêche ». Cette reconnaissance d’un intérêt général majeur ne saurait toutefois autoriser des dérogations manifestement inadéquates aux exigences de la Charte de l’environnement. Le Conseil rejette le grief d’inintelligibilité car les notions employées ne sont pas manifestement imprécises pour une norme de nature purement programmatique.

Le contrôle du juge reste restreint face au pouvoir d’appréciation du Parlement concernant les finalités générales assignées aux politiques publiques nationales. L’affirmation d’un objectif de maintien du potentiel productif n’entraîne pas par elle-même une violation immédiate des droits constitutionnels des citoyens. Cette approche permet de préserver la liberté de manœuvre du législateur tout en rappelant la force juridique des principes environnementaux supérieurs.

**B. La protection de la séparation des pouvoirs face aux injonctions législatives**

Le Conseil constitutionnel censure les dispositions interdisant au pouvoir réglementaire d’adopter des normes plus strictes que les exigences minimales de l’Union européenne. Il considère que ces mesures sont « susceptibles de faire obstacle à l’exercice de sa compétence dans le domaine que lui reconnaît le premier alinéa de l’article 37 ». Le législateur ne peut pas légalement limiter par avance l’exercice futur du pouvoir réglementaire autonome dans une matière technique comme l’agriculture. Cette interdiction de principe constitue une immixtion injustifiée dans le domaine réservé au Gouvernement par la Constitution de 1958.

La décision rappelle que la séparation des pouvoirs interdit au Parlement de dicter au Premier ministre les modalités précises de son pouvoir de police. Le juge administratif ou le juge constitutionnel conservent seuls la mission de contrôler la motivation et la proportionnalité des éventuelles surtranspositions réglementaires. La volonté de simplifier les normes ne justifie pas le sacrifice de l’architecture institutionnelle et de la répartition des compétences normatives.

**II. La primauté des garanties environnementales sur la simplification administrative**

**A. La censure de l’exemption du régime de protection du milieu aquatique**

L’article 48 de la loi déférée entendait soustraire les piscicultures au régime d’autorisation ou de déclaration prévu spécifiquement par le code de l’environnement. Le Conseil constitutionnel relève que seul ce régime particulier « a pour objet de prévenir en particulier les atteintes à la ressource en eau et aux écosystèmes aquatiques ». Le législateur ne peut pas supprimer un contrôle administratif protecteur sans proposer une garantie alternative équivalente pour la préservation de la biodiversité aquatique. L’absence de procédure d’examen préalable pour ces installations présente un risque caractérisé de régression de la protection effective des milieux naturels.

Les juges estiment qu’en agissant ainsi, « le législateur a privé de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement ». La simplification administrative, bien qu’elle serve l’objectif de souveraineté alimentaire, ne doit pas conduire à une disparition totale de la surveillance publique. La protection de l’environnement impose le maintien de mécanismes permettant à l’autorité administrative d’imposer des prescriptions techniques nécessaires à la santé.

**B. La portée du contrôle de l’insuffisance des garanties légales**

La décision confirme la rigueur du contrôle exercé sur les réformes qui affectent les procédures de protection de la faune et de la flore. Le Conseil censure également des présomptions d’absence d’intention en matière pénale faute d’une définition suffisamment claire des obligations légales concernées par l’exonération. Il rappelle que la loi doit définir les infractions en termes précis pour « exclure l’arbitraire » et garantir le respect du principe de légalité. Cette exigence s’applique avec une force particulière lorsque le législateur tente d’alléger la responsabilité des exploitants agricoles ou forestiers.

La portée de cet arrêt réside dans la réaffirmation d’un équilibre nécessaire entre le développement économique agricole et les impératifs écologiques constitutionnalisés. Le juge refuse de valider des catégories de dérogations territoriales trop floues comme celles prévues pour les constructions dans certaines communes insulaires métropolitaines. Le principe d’égalité devant la loi s’oppose à des différences de traitement qui ne reposent pas sur une différence de situation objectivement caractérisée.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture