Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-880 DC du 7 mai 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 7 mai 2025, s’est prononcé sur la conformité d’une résolution tendant à modifier le règlement du Sénat. Cette réforme vise à renforcer les moyens de contrôle et à clarifier diverses mesures d’organisation interne pour le bon fonctionnement de l’institution. Saisi par la présidence de cette assemblée, le juge constitutionnel devait apprécier la validité de dispositions touchant tant au statut des sénateurs qu’au fonctionnement des commissions. La question centrale résidait dans l’équilibre entre l’autonomie réglementaire des chambres et la protection constitutionnelle du mandat parlementaire. Le Conseil a validé l’essentiel du texte, tout en émettant une réserve d’interprétation relative aux commissions spéciales. L’analyse portera sur la préservation des équilibres politiques et de l’efficacité procédurale, puis sur le renforcement des normes déontologiques et des modalités de l’action parlementaire.

I. La préservation des équilibres politiques et de l’efficacité procédurale

I.A. La consécration du lien entre le sénateur et son groupe politique

Le règlement prévoit désormais qu’un sénateur quittant son groupe politique perd immédiatement ses fonctions au sein du Bureau ou d’une commission permanente. L’article 2 énonce que le parlementaire « cesse de plein droit d’appartenir » à l’instance concernée dès sa démission du groupe d’origine. Cette mesure vise à garantir que la composition des organes de direction respecte scrupuleusement la représentativité issue des élections internes. Le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions « visent à préserver l’équilibre entre les groupes politiques dans la répartition des postes ». La Constitution laisse aux assemblées le soin de fixer les conditions de désignation des membres de leur Bureau. Le juge valide ainsi une forme de discipline institutionnelle qui subordonne les responsabilités particulières à la stabilité de l’appartenance partisane. Cette solution ne porte pas atteinte à la liberté du mandat puisque le sénateur reste libre de ses opinions. Elle assure simplement une cohérence entre l’affichage politique initial et la détention de fonctions stratégiques au sein de la chambre haute.

I.B. La rationalisation du contrôle et du travail en commission

La résolution modifie les compétences relatives à la recevabilité des propositions de création de commissions d’enquête en les confiant à une instance unique. Désormais, seule la commission des lois peut se prononcer sur la conformité de ces demandes au regard de la séparation des pouvoirs. Le Conseil souligne que ce dispositif met en œuvre l’interdiction de créer une enquête parlementaire sur des « faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires ». Par ailleurs, l’article 4 permet à la Conférence des présidents de s’opposer à la reconstitution d’une commission spéciale devenue sans objet. Cette faculté d’opposition ne doit cependant pas « faire obstacle à la reconstitution d’une telle commission » si le Gouvernement maintient sa demande. Sous cette réserve impérative, le juge constitutionnel admet une procédure visant à désencombrer l’ordre du jour et à optimiser le temps parlementaire. La rationalisation des structures de travail renforce ainsi la clarté des débats sans amputer les prérogatives de l’exécutif. La protection de l’indépendance juridictionnelle demeure le pivot central de ce contrôle de recevabilité des missions d’information.

II. Le renforcement des normes déontologiques et des modalités de l’action parlementaire

II.A. La régulation des rapports avec les représentants d’intérêts

L’article 23 de la résolution procède à une réécriture des obligations déontologiques concernant les cadeaux, dons ou avantages proposés aux membres du Parlement. Les nouvelles dispositions « prohibent désormais certains cadeaux » émanant de personnes menant des activités d’influence pour le compte d’une puissance étrangère. Cette mesure étend également la liste des avantages devant faire l’objet d’une déclaration publique obligatoire auprès des instances de contrôle. Le juge constitutionnel considère que ces règles ne méconnaissent pas la liberté des parlementaires dans l’exercice de leur mandat souverain. Elles mettent en œuvre les exigences de probité et de transparence indispensables à la confiance des citoyens dans leurs représentants. L’encadrement des activités de lobbying étranger constitue une réponse aux enjeux contemporains de souveraineté et d’indépendance de la délibération législative. La validité de ces normes déontologiques repose sur leur caractère proportionné aux objectifs de prévention des conflits d’intérêts. Le comité de déontologie joue ici un rôle essentiel dans l’examen préalable de ces évolutions normatives.

II.B. L’adaptation des procédures de vote et de caducité législative

La décision valide une innovation majeure permettant aux sénateurs en situation d’incapacité physique d’exprimer leur vote par tout moyen compatible. L’élu peut désormais faire connaître son suffrage par une « manifestation compatible avec cette incapacité » sur invitation expresse de la présidence de séance. Le Conseil juge que cette souplesse respecte le caractère personnel du droit de vote énoncé par l’article 27 de la Constitution. Parallèlement, le règlement prévoit la caducité des propositions de loi dont tous les signataires ont cessé d’exercer leurs fonctions électives. Cette règle de bon sens juridique évite le maintien de textes orphelins n’exprimant plus une volonté parlementaire en exercice. Enfin, l’article 8 précise qu’un texte rejeté successivement par les deux chambres est considéré comme « définitivement rejeté » sans navette supplémentaire. Ces mesures de simplification technique concourent à la fluidité du processus législatif tout en respectant l’intégrité du vote individuel. L’adaptation du droit parlementaire aux réalités physiques et politiques garantit ainsi la pérennité de l’institution sénatoriale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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