Le Conseil constitutionnel a rendu, le 7 mai 2025, une décision n° 2025-881 DC portant sur la conformité d’une loi restreignant l’accès à la nationalité. Le litige constitutionnel porte sur la validité de l’article unique modifiant les conditions d’acquisition de la citoyenneté française pour les enfants nés à Mayotte. Les requérants dénonçaient une rupture d’égalité caractérisée entre le territoire mahorais et l’Hexagone ainsi qu’une atteinte grave aux principes fondamentaux de la République. Le juge constitutionnel devait déterminer si la pression migratoire spécifique à cette collectivité autorisait une dérogation durable au droit commun de la nationalité française. Il a finalement jugé que les dispositions contestées étaient conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation relative aux documents d’identité exigés. L’étude de cette décision conduit à analyser d’abord la validation d’un régime dérogatoire avant d’envisager le maintien des garanties constitutionnelles essentielles.
I. La validation d’un régime dérogatoire justifié par des contraintes locales
A. L’admission d’une adaptation spécifique au droit du sol
Le Conseil constitutionnel valide l’adaptation législative en se fondant sur l’article 73 de la Constitution permettant de prendre en compte les réalités locales spécifiques. Il relève que la collectivité de Mayotte subit des « flux migratoires très importants » et présente une forte proportion d’étrangers en situation irrégulière sur son territoire. Ces éléments constituent des « caractéristiques et contraintes particulières » autorisant le législateur à durcir les conditions d’accès à la nationalité française pour les résidents étrangers. L’exigence de résidence régulière des deux parents depuis plus d’un an lors de la naissance apparaît ainsi comme une mesure proportionnée à l’objectif poursuivi. La lutte contre l’immigration irrégulière favorisée par la perspective d’obtention de la nationalité justifie cette rupture apparente avec le droit applicable sur le reste du territoire.
B. Le rejet d’un droit inconditionnel à l’acquisition de la nationalité
Les juges écartent l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui garantirait un droit inconditionnel à la nationalité par la naissance. Une telle « tradition républicaine » ne saurait résulter des lois de 1889 et 1927 car celles-ci furent adoptées pour répondre aux nécessités militaires de la conscription. Le Conseil affirme que ces textes n’ont pas instauré de règle permettant d’accéder à la nationalité « sans restriction » au seul motif de la naissance en France. Cette analyse historique rigoureuse permet d’écarter le grief d’inconstitutionnalité tout en rappelant la compétence du législateur pour fixer les conditions de l’allégeance nationale. La solution ainsi dégagée permet de concilier la souveraineté législative avec les exigences de l’unité nationale malgré les adaptations locales admises.
II. Le maintien des garanties constitutionnelles par un encadrement strict
A. La préservation de l’égalité devant la loi et de l’unité nationale
La décision affirme que la différence de traitement instaurée « ne dépasse pas la mesure des adaptations susceptibles d’être justifiées » par la situation particulière de Mayotte. Le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des situations distinctes dès lors que la mesure reste en rapport direct avec l’objet de la loi. L’indivisibilité de la République n’est pas méconnue puisque la Constitution elle-même prévoit la possibilité d’adapter les lois et règlements aux spécificités des collectivités d’outre-mer. Le législateur a simplement modulé les critères temporels et administratifs sans supprimer définitivement la possibilité pour l’enfant d’acquérir la nationalité française à sa majorité. L’équilibre ainsi trouvé entre la gestion des flux migratoires et le respect de l’égalité devant la loi semble conforme à l’esprit des institutions.
B. La protection juridictionnelle des droits fondamentaux par la réserve d’interprétation
Le Conseil constitutionnel assortit néanmoins sa décision d’une réserve d’interprétation pour éviter que l’exigence d’un passeport biométrique ne devienne une barrière administrative infranchissable. Il précise que ces dispositions ne sauraient faire obstacle à la production d’un autre document d’identité pour les ressortissants dont le pays ne délivre pas de tels titres. Cette précision est cruciale pour garantir l’accessibilité réelle des droits tout en préservant l’objectif de lutte contre la fraude à l’état civil. Les juges considèrent par ailleurs que l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de mener une vie familiale normale ne sont pas manifestement méconnus par cette réforme. La loi est donc déclarée conforme à la Constitution sous réserve que l’administration accepte des preuves d’identité alternatives selon les circonstances géographiques ou diplomatiques.