Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 7 mai 2025, s’est prononcé sur la loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. Plusieurs parlementaires ont contesté la conformité à la Constitution de l’article unique durcissant les conditions du droit du sol dans ce département d’outre-mer. Le texte impose désormais une résidence régulière d’un an pour les deux parents à la naissance de l’enfant né sur ce territoire. Les requérants invoquaient notamment une atteinte à l’indivisibilité de la République et l’existence d’un principe fondamental garantissant l’accès à la nationalité. La juridiction devait déterminer si la situation migratoire particulière de l’île justifiait une telle dérogation aux règles de droit commun. Elle a déclaré la loi conforme sous une réserve d’interprétation relative aux modalités de preuve de l’identité des parents. Le raisonnement des juges s’articule autour de la validation des adaptations législatives locales avant d’examiner la proportionnalité des nouvelles exigences procédurales.
L’écartement d’un principe fondamental d’accès inconditionnel à la nationalité
Le Conseil rappelle qu’une tradition républicaine ne peut fonder un principe fondamental que si elle résulte de dispositions législatives constantes et générales. Les lois de 1889 et 1927 avaient instauré des règles de nationalité répondant principalement aux nécessités historiques de la conscription militaire. Dès lors, « de telles règles ne sauraient avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République » au sens du Préambule. Le droit pour toute personne née en France d’accéder à la nationalité sans restriction ne constitue donc pas une norme de valeur constitutionnelle. Cette position permet au législateur de moduler les conditions d’acquisition de la citoyenneté selon les impératifs de l’intérêt général.
La justification des adaptations locales par les contraintes migratoires exceptionnelles
Le principe d’indivisibilité s’oppose normalement à ce que les conditions d’accès à la nationalité diffèrent selon les portions du territoire de la République. Toutefois, l’article 73 de la Constitution autorise expressément des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières » des collectivités régies par ce texte. Les juges relèvent que Mayotte subit des flux migratoires très importants ainsi qu’une forte proportion de personnes en situation irrégulière. Ces circonstances spécifiques autorisent le législateur à durcir les critères de résidence pour freiner l’immigration favorisée par la perspective d’obtention de la nationalité. La différence de traitement ainsi instaurée entre les enfants nés à Mayotte et ceux du reste du territoire demeure proportionnée.
La réserve d’interprétation relative à l’exigence du passeport biométrique
La loi impose la présentation d’un titre de séjour accompagné d’un passeport biométrique pour justifier de la régularité de la résidence des parents. Cette exigence technique pourrait entraîner une rupture d’égalité pour les ressortissants de pays ne délivrant pas de tels documents d’identité sécurisés. Le Conseil affirme que ces dispositions « ne sauraient conduire à exiger la production d’un tel document pour les ressortissants de pays n’en délivrant pas ». Il émet une réserve obligeant l’administration à accepter tout autre document d’identité en l’absence de passeport biométrique disponible. Cette garantie préserve le droit pour les parents de constituer la preuve nécessaire à l’acquisition future de la nationalité française.
Le rejet des griefs relatifs aux droits fondamentaux et à l’intelligibilité
Les requérants soutenaient que l’extension de la condition de résidence aux deux parents méconnaissait l’intérêt supérieur de l’enfant et la vie familiale. La juridiction estime cependant que ces restrictions ne portent pas une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelles de protection de la famille. Par ailleurs, l’absence de mesures transitoires spécifiques ne contrevient pas à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Les dispositions de droit commun du code civil suffisent à déterminer le régime applicable aux enfants nés avant l’entrée en vigueur. La décision confirme ainsi la validité du dispositif tout en encadrant strictement les modalités de preuve exigibles par l’autorité publique.