Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-882 DC du 15 mai 2025

La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 15 mai 2025 porte sur la constitutionnalité d’une loi organique visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales. Ce texte a été adopté par le Parlement pour tirer les conséquences d’une loi ordinaire qui a étendu le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants, modifiant ainsi de manière substantielle le paysage électoral local. Auparavant, ces communes élisaient leurs conseillers municipaux au scrutin plurinominal majoritaire, un système qui ne garantissait ni la parité entre les femmes et les hommes, ni la constitution de listes structurées.

La procédure de contrôle a été initiée par une saisine du Premier ministre le 15 avril 2025, sur le fondement des articles 46 et 61 de la Constitution, qui imposent un contrôle de constitutionnalité systématique pour les lois organiques. Des observations ont également été présentées par plusieurs sénateurs, témoignant de l’attention portée par les élus locaux à cette réforme. Le Conseil constitutionnel a examiné la loi organique au regard des règles de procédure applicables et des normes de fond, notamment l’article 88-3 de la Constitution relatif au droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union européenne aux élections municipales.

Le problème de droit soulevé par cette saisine était de déterminer si les adaptations techniques apportées par la loi organique, consécutives à la généralisation du scrutin de liste, respectaient les exigences constitutionnelles. En particulier, il s’agissait de vérifier que les modifications apportées au code électoral garantissaient une application cohérente et non discriminatoire des règles électorales, notamment à l’égard des ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi organique entièrement conforme à la Constitution. Il a estimé que les ajustements proposés étaient des conséquences nécessaires et proportionnées de la réforme du mode de scrutin opérée par la loi ordinaire. La décision valide ainsi une harmonisation des règles électorales qui s’inscrit dans une logique de renforcement des principes démocratiques. L’analyse de cette décision révèle une mise en cohérence technique du droit électoral (I), dont la validation consacre une démarche de rationalisation des normes applicables à la démocratie locale (II).

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I. Une mise en cohérence technique du droit électoral

La loi organique examinée par le Conseil constitutionnel a pour principal objet d’ajuster des dispositions spécifiques du code électoral afin de les rendre compatibles avec l’extension du scrutin de liste. Cette adaptation se manifeste d’une part comme la conséquence directe de la loi ordinaire (A), et d’autre part par une harmonisation des règles applicables aux candidats européens (B).

A. Une adaptation organique commandée par la loi ordinaire

La loi organique ne constitue pas une initiative isolée, mais bien une conséquence mécanique de la loi ordinaire visant à étendre le scrutin de liste avec représentation proportionnelle aux communes de moins de 1 000 habitants. En abaissant ce seuil, le législateur a souhaité renforcer la parité et la structuration de la vie politique locale. Le Conseil constitutionnel prend acte de cette modification et examine la loi organique comme un texte d’ajustement nécessaire. Les dispositions organiques, par leur nature, encadrent des aspects fondamentaux de l’organisation des pouvoirs publics et requièrent une procédure d’adoption plus stricte. Le 1° de l’article 1er de la loi organique modifie ainsi l’article L.O. 141 du code électoral, qui traite de l’incompatibilité entre un mandat de député et celui de conseiller municipal. En maintenant cette incompatibilité pour les communes de 1 000 habitants et plus, le législateur a simplement procédé à une coordination textuelle, sans modifier la substance du régime des incompatibilités. Le Conseil se limite à vérifier que cette réécriture est exempte d’erreur et ne contrevient à aucun principe constitutionnel.

B. L’harmonisation des modalités de candidature pour les citoyens de l’Union

Le cœur de la loi organique réside dans son traitement du cas des citoyens de l’Union européenne, régi par l’article 88-3 de la Constitution. La généralisation du scrutin de liste rendait obsolètes certaines dispositions spécifiques aux petites communes. Ainsi, le 3° de l’article 1er abroge l’article L.O. 255-5 du code électoral, qui prévoyait des modalités de candidature individuelles pour les ressortissants européens dans les communes de moins de 1 000 habitants. Cette suppression est la conséquence logique de l’obligation de présenter une liste complète et paritaire. Parallèlement, le 2° de l’article 1er étend à toutes les communes une règle jusqu’alors réservée aux plus grandes : l’obligation de faire figurer sur les bulletins de vote, « en regard du nom des candidats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France, l’indication de leur nationalité ». Cette mesure vise à garantir la transparence de l’information pour l’électeur, conformément aux exigences constitutionnelles. Le Conseil valide cette uniformisation, qui assure une application cohérente du droit sur l’ensemble du territoire.

La conformité de ces dispositions techniques étant établie, l’analyse doit se porter sur la valeur et la portée de cette intervention législative validée par le juge constitutionnel.

II. La consécration d’une démarche de rationalisation de la démocratie locale

En déclarant la loi organique conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel ne fait pas seulement œuvre de contrôle technique ; il valide une démarche de simplification et d’uniformisation du droit électoral (A), dont la portée, bien que limitée, renforce certains principes fondamentaux de la vie démocratique locale (B).

A. La validation d’un processus de simplification normative

La décision du 15 mai 2025 illustre le rôle du Conseil constitutionnel comme gardien de la cohérence de l’ordre juridique. La loi organique est présentée comme une simple mesure de coordination, et le Conseil confirme cette analyse. En validant l’abrogation de dispositions devenues inutiles et l’extension de règles existantes, il approuve une démarche de rationalisation du code électoral. Cette simplification participe à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, un objectif de valeur constitutionnelle. La décision ne constitue pas un revirement de jurisprudence ni une interprétation nouvelle d’un principe. Sa valeur réside plutôt dans sa sobriété et dans la confirmation que les ajustements techniques, même lorsqu’ils touchent au droit électoral, doivent s’inscrire dans une logique rigoureuse et respecter l’équilibre des normes constitutionnelles, notamment celles issues de l’article 88-3 de la Constitution. Le contrôle exercé ici est formel et matériel, mais il se garde de toute appréciation d’opportunité politique, laissant au législateur sa pleine compétence pour définir les modes de scrutin.

B. La portée effective de la réforme : vers une uniformisation des principes démocratiques

Bien que la décision porte sur un texte technique, sa portée n’est pas négligeable. En validant cette loi organique, le Conseil constitutionnel parachève une réforme qui affectera des milliers de communes. La principale conséquence est l’application uniforme du principe de parité entre les femmes et les hommes à toutes les élections municipales, quel que soit le nombre d’habitants. Cette avancée, voulue par le législateur ordinaire, est ainsi sécurisée sur le plan constitutionnel par le biais de la loi organique. De plus, l’harmonisation des règles de candidature pour les citoyens européens renforce l’égalité de traitement et la lisibilité du processus électoral. La portée de la décision est donc double : elle consolide la cohérence du droit électoral et, indirectement, ancre plus fermement les principes de parité et de transparence dans la démocratie locale. La réforme, dans son ensemble, tend à réduire les spécificités juridiques des petites communes pour les aligner sur un modèle électoral jugé plus apte à garantir la vitalité démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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