Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2025-883 DC du 15 mai 2025, se prononce sur une loi harmonisant le mode de scrutin municipal. Cette réforme étend le scrutin de liste proportionnel aux communes comptant moins de mille habitants afin de garantir la parité politique.
Saisi par le Premier ministre et de nombreux parlementaires, le juge devait examiner la régularité de la procédure et le fond de la loi. Les requérants contestaient notamment l’absence de consultation de certaines collectivités d’outre-mer et la suppression du panachage pour les électeurs ruraux. Ils invoquaient également une atteinte à la libre administration des communes ainsi qu’une méconnaissance du droit d’éligibilité garanti par les textes fondamentaux.
Le problème juridique résidait dans la capacité du législateur à imposer le scrutin de liste paritaire dans les petites communes sans rompre l’équilibre démocratique. Le juge devait déterminer si les contraintes liées à la composition des listes respectaient les principes de pluralisme et de liberté du suffrage.
Le Conseil constitutionnel rejette l’ensemble des griefs et déclare la loi conforme à la Constitution sous réserve des adaptations prévues par le texte. Cette décision valide l’extension de la parité tout en encadrant strictement les conditions de mise en œuvre du nouveau régime électoral.
I. La validation de la procédure législative et de sa temporalité
A. Le rejet des griefs relatifs à l’élaboration de la loi
Les sénateurs soutenaient que l’absence de consultation préalable de la Nouvelle-Calédonie et de certaines collectivités d’outre-mer entachait la loi d’une irrégularité substantielle. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en rappelant que ces consultations ne s’imposent que si le texte comporte des dispositions particulières applicables à ces territoires. Or, la proposition de loi initiale ne prévoyait aucune mention expresse concernant la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie lors de son dépôt.
Les parlementaires critiquaient également le recours à une proposition de loi plutôt qu’à un projet de loi pour éviter certaines contraintes procédurales. Les juges répondent que « l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » selon l’article 39 de la Constitution. Aucune règle constitutionnelle n’interdisait l’usage de cette voie parlementaire pour réformer les modalités du scrutin municipal sur l’ensemble du territoire national.
B. L’admission de la modification tardive des règles électorales
Les requérants affirmaient qu’une modification substantielle du mode de scrutin moins d’un an avant l’échéance électorale portait atteinte à la sécurité juridique. Ils invoquaient notamment les lignes directrices internationales et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le Conseil constitutionnel souligne toutefois qu’aucune exigence constitutionnelle n’interdit au législateur de modifier le régime électoral durant l’année précédant un renouvellement général.
La décision précise que le législateur peut à tout moment adopter des dispositions nouvelles ou modifier des textes antérieurs dans le domaine de sa compétence. Cette liberté est admise dès lors qu’elle ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel déjà établies par le juge. La procédure suivie lors de la seconde délibération à l’Assemblée nationale est également validée malgré les critiques relatives à la confusion des débats parlementaires.
II. La consécration du scrutin de liste paritaire en milieu rural
A. L’équilibre entre pluralisme politique et égalité d’accès aux mandats
L’article 1er de la loi impose désormais aux communes de moins de mille habitants un scrutin de liste avec une alternance obligatoire entre chaque sexe. Les députés craignaient que cette contrainte n’entrave le droit d’éligibilité des citoyens et ne supprime la liberté de choix des électeurs par la fin du panachage. Le Conseil estime que le législateur a entendu « favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux » conformément à l’article premier de la Constitution.
Le juge constitutionnel considère que cette réforme poursuit un objectif d’intérêt général en renforçant la cohésion des équipes municipales autour de projets politiques collectifs. Il relève que le législateur a effectué une « conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée » entre le pluralisme des idées et l’objectif de parité. Le droit d’éligibilité n’est pas méconnu puisque des mesures spécifiques permettent de constituer des listes même en cas de faible population locale.
B. La sauvegarde de la libre administration par l’adaptation des seuils
Les requérants soutenaient que l’exigence de parité dans les très petites communes risquait de priver certaines d’entre elles d’un conseil municipal dûment élu. Le Conseil constitutionnel écarte ce grief en mettant en avant les dérogations introduites par le législateur pour tenir compte des réalités démographiques rurales. Les listes sont ainsi réputées complètes même si elles comptent jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif normalement prévu par le code électoral.
Le principe de libre administration des collectivités territoriales est préservé car le mode de scrutin n’empêche pas, par lui-même, la constitution des assemblées locales. Les juges rejettent également l’existence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui exigerait des règles électorales spécifiques pour les petites communes. La généralisation du scrutin proportionnel à prime majoritaire est donc définitivement validée pour l’ensemble des communes françaises quel que soit leur effectif.