Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2025-884 DC du 5 juin 2025, s’est prononcé sur la conformité de la loi organique relative au procureur anti-criminalité organisée. Saisi par l’autorité de saisine le 6 mai 2025, le juge devait examiner un texte adopté sur le fondement de l’article 64 de la Constitution. Cette loi prévoit la création d’un magistrat spécialisé dont le régime s’inspire de celui existant pour le procureur près le tribunal judiciaire de Paris. La procédure de l’article 46 impose ce contrôle obligatoire avant toute promulgation pour garantir le respect des principes fondamentaux de l’organisation judiciaire. Le problème juridique réside dans la compatibilité des dérogations statutaires envisagées avec l’indépendance de l’autorité judiciaire et les règles de gestion des carrières. Le Conseil décide que « les articles 1er et 2 sont conformes à la Constitution », confirmant ainsi la régularité du dispositif législatif soumis à son examen. L’analyse portera d’abord sur l’alignement hiérarchique du nouveau procureur avant d’aborder l’aménagement spécifique des règles d’affectation des magistrats du parquet spécialisé.
**I. L’alignement hiérarchique du procureur sur le régime des magistrats hors hiérarchie**
A. L’extension statutaire de la fonction de procureur spécialisé Le texte prévoit que les dispositions relatives aux fonctions de procureur placé hors hiérarchie « sont applicables au procureur de la République anti-criminalité organisée ». Cette mesure permet d’asseoir l’autorité de ce nouveau magistrat au sein de la structure judiciaire par une reconnaissance statutaire et indemnitaire spécifique. L’alignement sur le statut du procureur de Paris souligne l’importance des missions confiées à ce pôle spécialisé dans la lutte contre la délinquance grave.
B. La conformité du cadre organique aux exigences de l’indépendance judiciaire Le juge vérifie que cette structuration respecte l’article 64 de la Constitution garantissant l’indépendance de l’autorité judiciaire sous l’égide du sommet de l’État. Le législateur organique peut valablement modifier les conditions d’exercice des fonctions judiciaires tant qu’il ne porte pas atteinte aux garanties fondamentales des magistrats. Cette validation confirme la possibilité de créer des fonctions spécialisées bénéficiant d’un cadre propre sans fragiliser l’unité du corps judiciaire national.
L’organisation structurelle étant désormais validée, il convient d’étudier les modalités concrètes d’affectation des membres composant ce nouveau parquet spécialisé de lutte contre la criminalité.
**II. L’ajustement des modalités d’affectation pour les magistrats du parquet spécialisé**
A. L’exclusion de la priorité d’affectation pour les premiers vice-procureurs La loi modifie l’ordonnance de 1958 pour ajouter l’emploi de « premier vice-procureur de la République anti-criminalité organisée » à la liste des fonctions dérogatoires. Habituellement, les magistrats bénéficient d’une priorité d’affectation après deux ans d’exercice, mais cette règle ne s’appliquera pas aux membres de ce service. Cette exception vise à assurer une stabilité nécessaire à la conduite d’enquêtes complexes s’étendant souvent sur de très longues durées de temps.
B. La justification de la dérogation par les nécessités de la mission Le juge constitutionnel estime que cette entorse aux règles communes de mobilité ne contrevient pas aux principes de gestion des carrières des magistrats. L’exigence de spécialisation et la technicité des dossiers traités justifient une dérogation aux modalités classiques d’avancement et d’affectation géographique des membres du parquet. Par cette décision, le Conseil constitutionnel sécurise le cadre juridique nécessaire au déploiement effectif de cette nouvelle réponse pénale contre le crime organisé.