Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-884 DC du 5 juin 2025

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 5 juin 2025, sur la conformité à la Constitution de la loi organique fixant le statut du procureur anti-criminalité organisée. Saisi par le Premier ministre, le juge devait examiner les modifications apportées à l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. La réforme instaure des règles spécifiques pour les magistrats affectés à cette fonction spécialisée de lutte contre la délinquance organisée. Le texte prévoit notamment d’exclure certains magistrats du bénéfice de la priorité d’affectation géographique après deux années d’exercice effectif. Il aligne également le statut de ce procureur spécialisé sur celui du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si ces dérogations aux règles communes de la magistrature respectaient les principes d’indépendance et d’impartialité. La juridiction écarte tout grief d’inconstitutionnalité en déclarant l’intégralité des dispositions examinées conformes aux exigences du bloc de constitutionnalité. L’ajustement statutaire des fonctions de poursuite spécialisées précède ici la consécration d’un pôle judiciaire d’exception parfaitement conforme aux exigences de l’État de droit.

I. L’ajustement statutaire des fonctions de poursuite spécialisées

A. L’encadrement des modalités d’affectation dérogatoires

L’article 1er de la loi organique modifie les règles relatives à la mobilité géographique des magistrats du parquet affectés au pôle spécialisé. Le législateur a choisi d’ajouter l’emploi de « premier vice-procureur de la République anti-criminalité organisée » à la liste des fonctions exclues de la priorité d’affectation. Habituellement, les magistrats placés bénéficient d’une priorité de nomination après deux ans d’exercice pour faciliter leur retour dans un ressort géographique stable. En privant ces magistrats de cet avantage, le texte souligne la technicité des missions au sein de cette nouvelle institution judiciaire. Le Conseil constitutionnel valide ce choix car cette exclusion ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle liée à la gestion de la carrière des magistrats. Cette mesure assure la stabilité nécessaire au sein d’un service dont l’efficacité repose sur la connaissance approfondie de dossiers très complexes. Au-delà de ces contraintes d’affectation, le texte organise une convergence des statuts entre les différents hauts magistrats chargés des missions de poursuite.

B. L’alignement sur le régime des chefs de juridiction hors hiérarchie

L’article 2 de la loi prévoit une assimilation statutaire entre le procureur anti-criminalité organisée et le procureur de la République de Paris. Les dispositions relatives aux fonctions de procureur placé hors hiérarchie sont « applicables au procureur de la République anti-criminalité organisée dans les mêmes conditions ». Cette parité de traitement reconnaît l’importance hiérarchique et la charge de travail particulière inhérente à la direction d’un parquet spécialisé national. Le législateur organique garantit une cohérence dans l’organisation des parquets de grande importance en évitant toute disparité de traitement injustifiée. Le juge relève que cette extension du régime de droit commun des hauts magistrats du parquet ne soulève aucune difficulté juridique majeure. L’identité de statut avec le procureur près le tribunal judiciaire de Paris confère l’autorité nécessaire pour coordonner les enquêtes sur le territoire. Cette assise statutaire solide repose toutefois sur la régularité d’une procédure législative que le juge constitutionnel doit contrôler avec rigueur.

II. La consécration d’un pôle judiciaire d’exception conforme à la Constitution

A. La validation de la procédure législative organique

Le Conseil constitutionnel vérifie scrupuleusement le respect des formes imposées par la Constitution pour l’adoption des lois organiques relatives à la magistrature. La décision énonce que la loi « a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues aux trois premiers alinéas de l’article 46 ». Cette mention confirme que les délais de réflexion et les modalités de vote par les assemblées parlementaires ont été rigoureusement respectés. L’article 64 de la Constitution sert de base légale à cette réforme statutaire imposant une protection particulière pour l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le juge s’assure ainsi que le Parlement n’a pas outrepassé ses compétences en modifiant l’ordonnance de 1958 par la voie organique. La conformité procédurale constitue le premier rempart garantissant que les modifications statutaires ne résultent pas d’une volonté politique purement arbitraire. Une fois la régularité externe établie, il convient d’analyser la portée des mesures validées pour l’organisation future de la lutte contre la criminalité.

B. La portée limitée d’une réforme de coordination statutaire

La décision du 5 juin 2025 s’inscrit dans une logique de continuité législative visant à adapter l’outil judiciaire aux nouvelles formes de criminalité. En déclarant que « les articles 1er et 2 sont conformes à la Constitution », le juge valide une construction juridique axée sur l’efficacité. Cette réforme ne bouleverse pas les équilibres fondamentaux de la magistrature mais ajuste des mécanismes techniques pour répondre aux besoins du parquet spécialisé. La validation de l’article 3, fixant les conditions d’entrée en vigueur, parachève cet examen de constitutionnalité sans réserve ni interprétation particulière. La décision confirme la faculté pour le législateur de créer des statuts dérogatoires lorsque la nature des fonctions le justifie de façon objective. Le Conseil constitutionnel assure la sécurité juridique nécessaire au déploiement effectif du procureur de la République anti-criminalité organisée sur la scène pénale.

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Hassan KOHEN
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