Le Conseil constitutionnel a été saisi, en mai 2025, de la loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents. Ce texte législatif ambitionnait de réformer en profondeur le code de la justice pénale des mineurs afin de durcir la réponse pénale face à la délinquance juvénile. Plusieurs députés et sénateurs ont déféré cette loi, contestant la conformité à la Constitution de nombreuses dispositions relatives aux procédures de jugement et aux peines.
Les requérants soutenaient que les mesures d’accélération des procédures et d’alourdissement des sanctions méconnaissaient le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Ils invoquaient également une atteinte au principe de responsabilité du fait personnel et à la liberté d’aller et de venir protégée par la Déclaration de 1789. La question posée au Conseil concernait la conciliation entre l’objectif de sauvegarde de l’ordre public et la protection constitutionnelle spécifique accordée à l’enfance délinquante.
Par sa décision n° 2025-886 DC du 19 juin 2025, le Conseil constitutionnel prononce la censure de plusieurs articles majeurs remettant en cause la spécificité de la justice juvénile. Les juges considèrent que l’extension de la comparution immédiate et l’allongement de la détention provisoire pour les plus jeunes contreviennent aux exigences constitutionnelles de relèvement éducatif. En revanche, le Conseil valide les dispositions aggravant la responsabilité pénale des parents défaillants ainsi que les mesures de restriction de circulation sous surveillance.
La préservation de la singularité constitutionnelle du droit pénal des mineurs
La censure des procédures accélérées attentatoires au relèvement éducatif
Le Conseil constitutionnel rappelle avec force que la justice des mineurs repose sur la « nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants ». Cette exigence impose des procédures appropriées qui privilégient systématiquement l’éducation sur la simple répression pénale au regard de l’âge de l’intéressé. L’article 4 prévoyait l’instauration d’une procédure d’audience unique en comparution immédiate pour les mineurs d’au moins seize ans sous des conditions jugées trop larges.
Le juge censure cette disposition car elle ne réserve pas cette procédure accélérée à des « infractions graves ou à des cas exceptionnels » comme l’exige le droit. Une telle précité procédurale empêcherait la juridiction de disposer d’une connaissance suffisante de la personnalité du mineur, pourtant indispensable au prononcé d’une mesure éducative adaptée. Le Conseil invalide également l’allongement de la détention provisoire à un an pour les mineurs de moins de seize ans suspectés de certains délits graves.
L’intangibilité du principe d’atténuation de la responsabilité pénale
La décision réaffirme la valeur constitutionnelle du principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs, lequel interdit de traiter les enfants comme des délinquants majeurs. L’article 7 de la loi visait à supprimer le caractère exceptionnel de la dérogation aux règles d’atténuation de la peine pour les mineurs de seize ans. Cette disposition excluait même d’office le bénéfice de cette atténuation pour les mineurs en situation de récidive légale, sauf décision spécialement motivée.
Les juges considèrent que cette exclusion par principe de l’atténuation de la peine méconnaît les « exigences constitutionnelles » découlant de la protection spécifique due à l’enfance. Le législateur ne peut écarter de manière quasi systématique un principe protecteur au seul motif de la récidive sans vider de sa substance la spécificité juvénile. Cette protection demeure le socle sur lequel doit s’édifier toute réforme de la procédure pénale applicable aux individus n’ayant pas atteint la majorité.
L’encadrement des mesures de prévention et de responsabilité civile
La constitutionnalité de l’aggravation du délit de soustraction parentale
L’article 1er de la loi modifie le code pénal pour porter les peines à trois ans d’emprisonnement lorsque la défaillance parentale conduit à une infraction du mineur. Les requérants arguaient que cette disposition créait une responsabilité pénale du fait d’autrui, interdite par les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en précisant que le parent reste puni pour son propre comportement volontaire de soustraction à ses obligations.
Le texte prévoit que cette aggravation suppose d’abord que le parent se soit « volontairement soustrait à ses obligations légales » de manière à compromettre l’éducation de l’enfant. La circonstance que cette défaillance ait « directement conduit à la commission d’infractions » par le mineur ne rend pas le parent responsable des crimes commis. Les juges estiment donc que la loi ne méconnaît pas le principe selon lequel « nul n’est punissable que de son propre fait ».
La validité des restrictions proportionnées à la liberté de circulation
Les dispositions relatives à l’interdiction d’aller et venir sur la voie publique, prévues aux articles 13 et 14, sont déclarées conformes à la Constitution. Cette mesure permet au procureur ou à une juridiction d’interdire au mineur de circuler seul entre certaines heures, généralement durant la période nocturne. Le Conseil estime que le législateur a poursuivi un objectif de « prévention des atteintes à l’ordre public » tout en protégeant les mineurs concernés.
L’interdiction ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle car elle ne fait pas obstacle aux déplacements accompagnés par les représentants légaux. La juridiction doit en fixer précisément les horaires en tenant compte des impératifs scolaires, familiaux ou médicaux propres à chaque situation personnelle du mineur. La mesure reste limitée dans le temps et s’inscrit dans un cadre judiciaire ou alternatif aux poursuites garantissant le contrôle par un magistrat spécialisé.