Le Conseil constitutionnel a été saisi par plusieurs députés et sénateurs, en mai 2025, de la loi visant à renforcer l’autorité de la justice pénale. Les requérants contestaient la conformité à la Constitution de nombreuses dispositions durcissant le régime applicable aux mineurs délinquants ainsi qu’à leurs représentants légaux. Ils invoquaient notamment la méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs et du principe de responsabilité personnelle. La juridiction devait déterminer si l’allongement de la détention provisoire et la suppression de l’atténuation des peines respectaient les exigences de protection de l’enfance. Le juge constitutionnel censure les mesures privatives de liberté sans contrôle judiciaire préalable tout en validant le renforcement de la responsabilité pénale des parents défaillants.
**I. La protection constitutionnelle de la spécificité de l’enfance délinquante**
**A. Le maintien impératif de l’atténuation de la responsabilité pénale**
Le Conseil constitutionnel rappelle que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il censure ainsi l’article 7 de la loi qui supprimait le caractère exceptionnel des dérogations aux règles de réduction des peines encourues. Cette disposition prévoyait d’écarter le bénéfice de l’atténuation pour les mineurs de plus de seize ans en état de récidive légale par principe. Une telle exclusion automatique méconnaît l’exigence constitutionnelle selon laquelle le relèvement éducatif et moral doit primer sur la seule répression pénale du mineur délinquant. Le législateur ne peut donc pas transformer une faculté exceptionnelle de la juridiction en une règle de principe liée à la seule nature de l’infraction.
La juridiction constitutionnelle écarte également l’extension des délais de détention provisoire à un an pour les mineurs âgés de moins de seize ans en matière délictuelle. Elle considère que l’allongement de cette durée, même pour des délits graves commis en bande organisée, excède ce qui est nécessaire au regard de l’âge. Le juge constitutionnel réaffirme que la spécificité de la justice des mineurs impose des procédures appropriées visant à rechercher systématiquement le relèvement moral de l’enfant. Les dispositions facilitant la comparution immédiate des mineurs de seize ans sont également déclarées contraires à la Constitution car elles ne prévoient aucune condition d’urgence. Le tribunal doit disposer d’une connaissance suffisante de la personnalité du mineur avant de statuer, ce que la célérité de cette procédure pouvait compromettre.
**B. L’exigence de garanties procédurales devant une juridiction spécialisée**
L’article 12 de la loi déférée permettait à un officier de police judiciaire de placer un mineur en rétention pour une durée de douze heures. Cette mesure visait à sanctionner la violation d’une interdiction prononcée dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire provisoire, sans qu’une nouvelle infraction soit commise. Le Conseil constitutionnel censure ce dispositif au motif qu’il ne prévoyait ni autorisation préalable ni information immédiate du juge des enfants spécialisé dans la protection. Il souligne que le législateur ne saurait autoriser une mesure privative de liberté sans garantir le contrôle effectif et rapide d’une autorité judiciaire indépendante et qualifiée. La protection de la liberté personnelle du mineur exige une procédure spécifique qui tienne compte de sa vulnérabilité et de la finalité éducative des mesures.
La rigueur de ce contrôle constitutionnel assure que les nécessités de l’ordre public ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux des enfants poursuivis. Si la protection de la jeunesse impose des limites strictes à l’action législative, le Conseil admet néanmoins certaines évolutions nécessaires à la tranquillité publique actuelle.
**II. La validation de l’autorité parentale et des impératifs d’ordre public**
**A. L’encadrement proportionné des restrictions à la liberté de circulation**
Les dispositions instaurant une interdiction d’aller et venir sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures pour les mineurs sont jugées constitutionnelles. Le Conseil estime que cette mesure, pouvant être prononcée par le procureur ou une juridiction, ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir. Elle prévoit des exceptions permettant au mineur de circuler pour des motifs professionnels, éducatifs ou médicaux impérieux, garantissant ainsi le respect de sa situation personnelle. Le juge souligne que l’interdiction est levée dès lors que l’intéressé est accompagné par l’un de ses représentants légaux, préservant ainsi le rôle de l’autorité parentale. Cette mesure poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public tout en cherchant à assurer la protection des mineurs eux-mêmes.
Le législateur a ainsi concilié la sauvegarde de l’ordre public avec l’exercice des libertés constitutionnellement garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. Cette validation s’accompagne toutefois d’une exigence de motivation précise de la part de l’autorité judiciaire compétente lors de la fixation des horaires d’interdiction. Le juge doit impérativement tenir compte des obligations familiales et scolaires du mineur afin que la mesure conserve sa finalité protectrice et strictement nécessaire. La recherche de l’efficacité administrative dans la lutte contre la délinquance juvénile doit néanmoins s’accompagner d’un respect rigoureux des principes classiques de la responsabilité pénale.
**B. La confirmation de la responsabilité pénale pour faute personnelle des parents**
Le Conseil constitutionnel valide l’aggravation des peines prévues à l’article 227-17 du code pénal concernant la soustraction d’un parent à ses obligations légales envers son enfant. Les requérants soutenaient que ce mécanisme créait une forme de responsabilité pénale du fait d’autrui, interdite par les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789. Le juge constitutionnel écarte ce grief en précisant que le parent n’est puni que pour son propre comportement volontaire ayant directement compromis l’éducation du mineur. La circonstance que cette défaillance conduise à la commission d’infractions par l’enfant constitue une circonstance aggravante légitime qui ne rend pas le parent responsable des actes commis. Le principe selon lequel « nul n’est punissable que de son propre fait » est donc respecté puisque l’élément intentionnel porte sur la défaillance éducative.
Enfin, la juridiction censure l’article 15 de la loi, relatif à la composition du tribunal pour enfants, au motif qu’il constitue un cavalier législatif. Ces dispositions, introduites par amendement en première lecture, ne présentaient aucun lien avec les thématiques abordées dans la proposition de loi déposée initialement au Parlement. Le Conseil rappelle que tout amendement doit présenter un lien, même indirect, avec le texte transmis afin de respecter la régularité de la procédure législative. Cette décision préserve ainsi l’équilibre entre la fermeté de la réponse pénale souhaitée par le législateur et la protection constitutionnelle accordée à la minorité. Elle réaffirme que la justice des mineurs doit demeurer une justice spécialisée dont l’objectif premier reste le relèvement éducatif de l’enfant délinquant.