Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, la décision n° 2025-886 DC portant sur une loi renforçant l’autorité de la justice des mineurs. Saisi par de nombreux parlementaires, le juge examine la conformité de diverses mesures durcissant le régime pénal applicable aux enfants délinquants. Les requérants contestent notamment l’aggravation des peines pour les parents et les nouvelles procédures de jugement accéléré prévues pour les mineurs. La question posée au juge porte sur le respect du principe de l’atténuation de la responsabilité pénale et de la nécessité du relèvement éducatif. Le Conseil censure les dispositions attentatoires à la spécificité de l’enfance tout en validant les mesures de responsabilité parentale et d’ordre public. L’analyse portera d’abord sur la protection constitutionnelle de la minorité avant d’aborder l’encadrement des mesures de rétablissement de l’autorité judiciaire.
I. La protection constitutionnelle de la spécificité de la justice des mineurs
A. La censure des procédures de jugement accélérées et attentatoires au relèvement
Le juge constitutionnel réaffirme la valeur du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs délinquants. Ce principe exige de « rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité ». L’article 4 du texte prévoyait une procédure d’audience unique en comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins seize ans. Cette mesure est déclarée contraire à la Constitution car elle ne réserve pas cette voie exceptionnelle aux seules infractions les plus graves. Le Conseil considère que l’absence de garanties suffisantes concernant l’état de l’affaire interdit un tel renvoi systématique en jugement immédiat. L’abaissement des seuils de peine permettant de saisir le tribunal pour enfants en audience unique subit également une censure totale et définitive. Le législateur a retenu des critères ne permettant plus une recherche appropriée du relèvement moral et éducatif de l’enfant mis en cause.
B. Le refus d’un allongement de la détention et de l’automaticité des peines
La décision rejette l’extension de la durée maximale de détention provisoire portée à un an pour certains délits commis par des mineurs. Cette disposition méconnaît les exigences constitutionnelles d’adaptation des sanctions en raison du jeune âge de la personne poursuivie devant la juridiction spécialisée. Le juge censure la suppression du caractère exceptionnel de la dérogation aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs de seize ans. Le texte excluait par principe le bénéfice de cette atténuation pour les mineurs en situation de récidive légale, sans décision spécialement motivée. Le Conseil estime que ces dispositions « conduisent à exclure, du seul fait de l’état de récidive légale, l’application des règles d’atténuation des peines ». Cette exclusion automatique heurte frontalement le principe constitutionnel d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs délinquants en fonction de leur âge respectif. Le placement en rétention par un officier de police judiciaire sans contrôle préalable d’un magistrat spécialisé est enfin déclaré inconstitutionnel.
II. L’encadrement des mesures de responsabilité parentale et de préservation de l’ordre public
A. La validité de l’aggravation de la sanction pour soustraction aux obligations parentales
Le Conseil constitutionnel valide l’aggravation des peines réprimant le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales compromettant la moralité de l’enfant. Cette circonstance aggravante s’applique lorsque la carence parentale conduit directement à la commission d’un crime ou de plusieurs délits par le mineur concerné. Les requérants soutenaient que cette mesure punissait le représentant légal pour une infraction commise par autrui, violant le principe de responsabilité personnelle. Le juge précise cependant que cette aggravation n’a pas pour effet de rendre le parent « personnellement responsable des infractions commises par » son enfant. La condamnation repose exclusivement sur la démonstration préalable d’une faute volontaire et personnelle du parent ayant failli à ses obligations de surveillance. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines est écarté par les sages de la rue Montpensier. Les dispositions sont jugées suffisamment précises et claires pour garantir les justiciables contre tout risque d’arbitraire lors de l’application judiciaire.
B. La conciliation proportionnée entre liberté d’aller et venir et impératifs de sécurité
Les mesures instaurant des restrictions de circulation pour les mineurs sur la voie publique sont déclarées conformes aux principes de la Constitution française. La loi permet désormais d’interdire au mineur de se déplacer sans l’accompagnement d’un représentant légal, sans fixer de limites horaires législatives impératives. Le juge constitutionnel relève que l’interdiction est décidée par un magistrat du parquet spécialisé ou par la juridiction compétente pour les mineurs. Ces autorités doivent déterminer précisément les horaires en tenant compte des obligations scolaires, familiales et professionnelles de chaque enfant soumis à la mesure. Le Conseil considère que le législateur a poursuivi un « objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public » légitime. Les exceptions prévues pour les motifs médicaux ou administratifs impérieux garantissent le caractère proportionné de l’atteinte portée à la liberté d’aller et venir. Cette validation équilibre ainsi la nécessité de protection des mineurs et l’exercice des libertés individuelles garanties par la Déclaration de 1789.