Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-886 DC du 19 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plusieurs membres du Parlement d’un recours dirigé contre la loi sur la justice des mineurs. Les auteurs de la saisine critiquaient de nombreuses dispositions renforçant la répression à l’égard des parents et des enfants délinquants. Ils invoquaient notamment la méconnaissance du principe de responsabilité personnelle et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le juge constitutionnel devait déterminer si le durcissement des sanctions et des procédures pénales respectait les exigences spécifiques liées à la minorité. Par sa décision du 19 juin 2025, le Conseil censure largement les mesures de célérité procédurale tout en validant la responsabilité aggravée des parents défaillants.

I. La préservation de l’équilibre constitutionnel en matière de responsabilité pénale

A. La validation de la répression aggravée des défaillances parentales

Les requérants soutenaient que l’aggravation des peines pour soustraction aux obligations parentales violait le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait. Le Conseil rejette ce grief en précisant que le parent est sanctionné pour son comportement volontaire ayant directement conduit à l’infraction de l’enfant. La décision souligne que la circonstance aggravante « suppose que les éléments constitutifs du délit soient préalablement réunis » à l’encontre du représentant légal concerné. Dès lors, le texte ne crée pas de responsabilité pénale du fait d’autrui mais réprime une faute personnelle de surveillance ou d’éducation.

Le juge estime également que les dispositions nouvelles sont suffisamment précises pour exclure tout risque d’arbitraire de la part des juridictions pénales. Il écarte le grief tiré du manque de clarté de la loi, dès lors que l’élément intentionnel demeure indispensable à la caractérisation du délit. Les juges soulignent que l’aggravation des peines « n’a pas pour effet de le rendre personnellement responsable des infractions commises » par son enfant mineur. Cette interprétation permet de concilier l’objectif de sauvegarde de l’ordre public avec le respect des principes classiques du droit pénal français.

B. La conformité des restrictions de liberté proportionnées à l’ordre public

La loi instaure une possibilité pour le magistrat d’interdire aux mineurs d’aller et venir sur la voie publique sans accompagnement durant certains horaires. Cette mesure, qualifiée de couvre-feu par les requérants, était contestée en raison d’une prétendue atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et de venir. Le Conseil constitutionnel juge toutefois que le législateur a poursuivi un « objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public ». Il relève que la mesure ne constitue pas une interdiction absolue puisque le mineur peut circuler s’il est accompagné de ses représentants.

La décision précise que le juge doit fixer les horaires de l’interdiction en tenant compte des obligations scolaires et familiales de chaque intéressé. Cette garantie juridictionnelle permet d’assurer que la restriction de liberté reste strictement proportionnée à la situation personnelle et à l’âge du mineur. Le Conseil affirme ainsi que les dispositions ne méconnaissent pas « le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ». Le contrôle exercé par un magistrat spécialisé garantit le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la mise en œuvre de ces contraintes.

II. La censure du recul des garanties spécifiques dues à la minorité

A. L’inconstitutionnalité du durcissement des procédures de jugement et de détention

Le législateur souhaitait étendre la procédure d’audience unique et la comparution immédiate aux mineurs de seize ans sous certaines conditions de réitération. Le Conseil censure fermement ces dispositions en rappelant la nécessité de rechercher le « relèvement éducatif et moral des enfants délinquants » par des mesures adaptées. Il estime que le recours à une procédure rapide ne permet pas à la juridiction de disposer d’une connaissance suffisante de la personnalité du mineur. La décision souligne que ces critères conduisent à saisir le tribunal selon une « procédure qui n’est pas appropriée » à la protection de l’enfance.

Le juge constitutionnel invalide également l’allongement de la détention provisoire à un an pour certains délits commis par des mineurs de moins de seize ans. Il considère qu’une telle durée est excessive au regard de l’âge de l’enfant et des principes constitutionnels régissant la justice des mineurs. Le Conseil rappelle que la détention doit rester une mesure exceptionnelle et indispensable qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours. En permettant un tel allongement, le législateur a méconnu les « exigences du principe fondamental reconnu par les lois de la République » en cette matière.

B. Le maintien impératif de l’atténuation de la responsabilité pénale

L’article 7 de la loi visait à supprimer le caractère exceptionnel de l’exclusion de l’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans. Le Conseil constitutionnel censure cette disposition en affirmant que le principe d’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge possède une valeur constitutionnelle. Il refuse que la récidive puisse écarter automatiquement le bénéfice de cette protection particulière sans une décision spécialement motivée de la juridiction. La loi ne peut pas exclure « par principe » les règles de réduction de peine au seul motif de l’état de récidive légale du mineur.

Enfin, le Conseil invalide la possibilité de placer un mineur en rétention par simple décision d’un officier de police judiciaire sans contrôle judiciaire. Il juge que cette privation de liberté, même courte, doit impérativement être prononcée sous le contrôle d’une juridiction spécialisée ou d’un magistrat. L’absence d’information préalable du juge des enfants constitue une violation manifeste des garanties entourant la liberté individuelle des personnes mineures. Par cette censure globale, le juge réaffirme l’autonomie et la spécificité du droit pénal des mineurs face aux velléités de rapprochement avec le droit commun.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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