Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le vingt-quatre décembre mille neuf cent soixante-quatre, s’est prononcé sur la conformité à la Constitution d’une loi de finances. Le Premier ministre avait saisi la juridiction afin de contester un article organisant le contrôle des comptes de divers organismes financiers et banques nationalisées. Cette disposition prévoyait notamment d’étendre la surveillance directe d’une commission spécialisée à des établissements publics et à plusieurs sociétés d’économie mixte du secteur. La question de droit consistait à savoir si la définition des modalités d’un tel contrôle relevait de la loi ou du domaine réglementaire. Le juge constitutionnel a décidé que l’article litigieux ne concernait aucun des principes fondamentaux énumérés par l’article trente-quatre de la norme suprême française. Il a donc déclaré la mesure non conforme à la Constitution au motif que ces modalités techniques appartiennent exclusivement au domaine du règlement autonome. Ce raisonnement repose sur une délimitation rigoureuse de la compétence législative (I) couplée à une affirmation de la plénitude du pouvoir réglementaire (II).
I. La stricte délimitation du domaine de la loi
A. L’exclusion des matières monétaires et économiques
Le juge examine d’abord si les mesures de vérification budgétaire affectent le régime d’émission de la monnaie ou les nationalisations mentionnées à l’article trente-quatre. Il considère que les dispositions critiquées « ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles » que la Constitution place dans le domaine législatif. Cette exclusion stricte des questions de pure procédure comptable garantit que le législateur ne puisse pas s’immiscer dans les tâches quotidiennes du pouvoir exécutif. Les juges précisent que ces mesures ne relèvent pas non plus des transferts d’entreprises du secteur public vers le secteur privé selon le texte.
B. L’interprétation restrictive des garanties et des catégories d’établissements
La décision rejette également la qualification de règle concernant la création d’une catégorie d’établissement public pour une simple extension de compétences de contrôle financier. Le juge estime que « l’extension à ses activités du contrôle » ne peut constituer une règle législative nouvelle mais s’analyse comme une modalité d’exercice administrative. De plus, ces dispositions ne touchent pas aux « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » au sens de l’article trente-quatre. Le Conseil constitutionnel limite ainsi le domaine de la loi aux interventions qui modifient substantiellement l’ordre juridique ou les droits des personnes physiques.
II. La consécration de la compétence réglementaire sur les modalités de contrôle
A. La permanence du pouvoir réglementaire en matière administrative
Le raisonnement s’appuie sur la reconnaissance d’un pouvoir général de fixation des modalités de surveillance budgétaire attribué au Gouvernement par des textes antérieurs. La décision rappelle que l’article cinquante-six de la loi du six janvier mille neuf cent quarante-huit a institué une autorité de vérification des comptes. Le juge souligne que c’est dans le cadre de cette « compétence réglementaire qu’ont été pris les décrets qui sont intervenus en ce domaine » jusqu’alors. Cette continuité historique confirme la nature administrative des actes régissant le fonctionnement interne des organismes et des sociétés nationalisées sous tutelle de l’État.
B. Le rejet de l’empiètement législatif dans les lois de finances
Le Conseil précise enfin que s’il appartient au Parlement de prescrire des mesures pour sa propre information, les modalités d’exécution restent purement réglementaires. Il rejette l’application de l’ordonnance de l’année mille neuf cent cinquante-neuf car elle ne vise que les charges de l’État et non les organismes. En conséquence, l’article soixante-onze est censuré car il constitue un empiètement illégitime sur les prérogatives normatives réservées à l’autorité exécutive par la Constitution. Cette décision protège l’intégrité du domaine de l’article trente-sept en sanctionnant l’introduction de règles de nature réglementaire dans une loi de finances annuelle.