Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 décembre 1979, une décision essentielle concernant la loi autorisant la perception des impôts et taxes pour l’année suivante. Cette loi fut adoptée en urgence suite à la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi de finances pour 1980, prononcée par la même juridiction quelques jours auparavant. Des membres du Parlement ont saisi le Conseil afin de contester la validité de ce texte exceptionnel destiné à éviter une paralysie totale des services publics. La question posée aux sages portait sur la possibilité de légiférer partiellement en matière financière pour garantir les recettes de l’État en l’absence de budget global. Le Conseil déclare la loi conforme en invoquant la nécessité d’assurer la poursuite de l’activité étatique malgré les lacunes des textes constitutionnels et organiques actuels. Le raisonnement suivi repose d’abord sur la reconnaissance d’un principe de continuité financière avant de préciser les modalités de mise en œuvre de cette mesure d’urgence.
I. La reconnaissance de la continuité de la vie nationale comme impératif supérieur
A. Une solution pragmatique face au silence des textes constitutionnels et organiques
La juridiction relève d’emblée que « ni la Constitution, ni l’ordonnance du 2 janvier 1959 » ne prévoient de procédure spécifique après une censure globale du budget. Le juge constitutionnel doit donc pallier cette absence de disposition explicite pour prévenir les conséquences désastreuses d’un vide juridique sur le fonctionnement des pouvoirs publics. Il affirme qu’il appartient aux autorités compétentes de « prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale » dans cette situation. Cette formulation audacieuse place la pérennité de l’État au-dessus d’une lecture strictement littérale des textes régissant la procédure législative et budgétaire en France. La décision privilégie ainsi une approche finaliste visant à maintenir l’ordre public financier au sein d’un cadre juridique momentanément déséquilibré par une décision juridictionnelle.
B. La qualification fonctionnelle de la loi de perception comme loi de finances
Le Conseil constitutionnel précise la nature juridique du texte attaqué en le rattachant directement au domaine des lois de finances défini par la Constitution. Bien que cette loi ne figure pas dans l’énumération de l’ordonnance organique, elle est considérée comme telle au sens de « l’article 47 de la Constitution ». Le juge souligne que ses dispositions sont de celles qui figurent normalement dans un budget annuel, conférant à celle-ci une légitimité matérielle indiscutable. Elle constitue un « élément détaché, préalable et temporaire » du projet de loi initial dont elle permet de sauvegarder les aspects les plus urgents. Cette assimilation juridique permet d’autoriser la perception des taxes parafiscales sans violer les interdictions relatives à la durée de leur recouvrement annuel habituel. La nature de l’acte étant clarifiée, il convient désormais d’analyser les modalités procédurales retenues par le juge pour valider cette mesure exceptionnelle et temporaire.
II. L’encadrement juridictionnel de la gestion de l’urgence budgétaire
A. Le recours à l’analogie pour pallier l’absence de procédure explicite après une censure
Faute de règles directement applicables, le Conseil enjoint le Gouvernement et le Parlement de s’inspirer des procédures prévues en cas de dépôt tardif du budget. Les institutions doivent suivre les principes relatifs aux ressources et à la répartition des crédits pour les services votés afin de garantir la légalité financière. Ce raisonnement par analogie permet de combler une lacune technique en utilisant des mécanismes constitutionnels existants dont la finalité demeure identique à la situation présente. Le juge exige que les acteurs politiques respectent leurs sphères de compétences respectives tout en agissant avec la célérité requise par les circonstances de l’espèce. Cette méthode assure une transition ordonnée vers l’adoption future d’un budget complet tout en respectant l’équilibre des pouvoirs au sein de la Ve République.
B. La préservation de l’ordre public financier au détriment d’un formalisme rigide
L’arrêt valide finalement la perception des impôts car la loi de circonstance ne contrevient à aucune exigence constitutionnelle fondamentale malgré sa structure inhabituelle et réduite. Le Conseil rejette les griefs fondés sur une interprétation trop étroite de l’ordonnance de 1959 pour privilégier la survie financière et administrative de la collectivité. Cette décision de principe témoigne d’une volonté de ne pas transformer la censure budgétaire en un instrument de blocage irrémédiable de la machine étatique nationale. La solution rendue sécurise les recettes publiques et protège les intérêts des citoyens ainsi que ceux des établissements publics habilités à percevoir des taxes spécifiques. Le juge constitutionnel affirme ici son rôle de régulateur de la vie institutionnelle en conciliant le respect de la hiérarchie des normes et l’impératif régalien.