Le Conseil constitutionnel a été saisi par de nombreux parlementaires d’un recours dirigé contre la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Cette législation visait principalement à durcir la répression des actes de violence tout en réformant divers aspects essentiels de la procédure pénale. Les auteurs de la saisine soutenaient que ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits ainsi que les droits fondamentaux de la défense. Ils contestaient également la conformité des nouveaux contrôles d’identité à la liberté d’aller et de venir garantie par les textes constitutionnels. La question posée au juge portait sur la conciliation entre l’objectif de sauvegarde de l’ordre public et l’exercice des libertés individuelles les plus précieuses. Dans sa décision rendue en janvier 1981, le Conseil valide l’essentiel du texte mais censure les mesures portant une atteinte excessive aux garanties procédurales. Il convient d’étudier la reconnaissance d’une large compétence législative dans la définition de la politique criminelle avant d’analyser le rappel impérieux des garanties fondamentales.
I. La consécration de la compétence législative en matière de répression pénale et de sûreté
A. La validation de la sévérité répressive au regard du principe de légalité
Le Conseil constitutionnel examine d’abord les dispositions pénales aggravant les peines au regard du principe de légalité des délits et des peines. Il considère que les nouvelles définitions des infractions de menaces ou de destructions ne sont « ni obscures ni imprécises » pour les citoyens. Le législateur peut ainsi aggraver la répression si les termes employés restent suffisamment clairs pour exclure tout risque d’arbitraire judiciaire. Le juge constitutionnel refuse de substituer sa propre appréciation à celle du Parlement en ce qui concerne la stricte nécessité des peines encourues. Il précise qu’il ne dispose pas d’un « pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement » dans ce domaine précis. Cette position confirme la liberté du législateur pour définir les grandes orientations de la politique criminelle de la Nation.
B. L’encadrement des contrôles d’identité comme conciliation nécessaire à l’ordre public
La décision aborde ensuite les vérifications d’identité qui constituent une innovation majeure destinée à prévenir les troubles à l’ordre public. Le Conseil considère que la « recherche des auteurs d’infractions » constitue un objectif de valeur constitutionnelle justifiant certaines contraintes sur la liberté individuelle. L’atteinte à la liberté d’aller et de venir est jugée proportionnée dès lors que des garanties réelles entourent la procédure de contrôle. Le texte prévoit notamment une durée de rétention limitée à six heures et le droit pour la personne de prévenir sa famille. Le juge souligne qu’il appartient aux autorités judiciaires de veiller au « respect intégral » de ces prescriptions protectrices des droits individuels. Cette validation permet d’établir un nouvel équilibre entre les impératifs de sécurité publique et la protection des libertés de circulation.
II. La préservation des garanties fondamentales et de la nécessité des peines
A. Le refus de l’éviction de l’avocat au nom des droits de la défense
Le Conseil constitutionnel censure la disposition permettant au président d’une juridiction d’écarter un avocat de la salle d’audience pour préserver la sérénité des débats. Une telle mesure est jugée contraire aux « droits de la défense qui résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». La protection du rôle de l’avocat est ainsi consacrée comme un pilier indispensable au déroulement d’un procès équitable et serein. Le juge refuse toute procédure qui aurait pour effet de priver le justiciable de son conseil habituel durant les phases de jugement. Cette décision marque une limite claire aux pouvoirs de police de l’audience en protégeant l’indépendance de la défense face au siège. Le Conseil garantit ainsi que la recherche de la sécurité ne peut se faire au détriment de l’intégrité de la fonction défensive.
B. L’exigence constitutionnelle de rétroactivité de la loi pénale plus douce
Le juge constitutionnel invalide l’exclusion de l’application immédiate des peines plus douces aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi. Il se fonde sur l’article 8 de la Déclaration de 1789 pour imposer le respect de ce principe de justice élémentaire. Ne pas appliquer une loi nouvelle moins sévère reviendrait à maintenir des sanctions que le législateur lui-même ne juge plus strictement nécessaires. La loi « ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », ce qui impose la rétroactivité in mitius comme une règle impérative. Cette exigence limite le pouvoir législatif dans sa faculté de moduler les effets des réformes pénales au sein de l’ordre juridique. Le Conseil assure ainsi la cohérence du système répressif avec l’idéal de justice et de nécessité proclamé par les révolutionnaires.