Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, s’est prononcé sur la conformité de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. Cette saisine parlementaire visait un texte réprimant plus sévèrement les actes de violence les plus graves envers les personnes et les biens. Les requérants contestaient notamment les dispositions relatives à la récidive, aux circonstances atténuantes et aux contrôles d’identité. Ils invoquaient la méconnaissance de la légalité des délits, du principe de nécessité des peines et des droits de la défense. Le juge constitutionnel devait alors déterminer si l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et l’exercice des libertés individuelles était respecté. Il examine ainsi la validité des nouvelles définitions d’infractions et des procédures de saisine directe du tribunal. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte mais censure plusieurs articles portant atteinte aux droits de la défense et au principe de nécessité des peines.
I. L’encadrement constitutionnel de la sévérité législative
A. La reconnaissance du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce
Le Conseil constitutionnel censure l’article limitant les effets de la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit s’appliquer immédiatement si elle est moins sévère. Il s’appuie directement sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette disposition constitutionnelle prévoit que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le juge affirme que le législateur ne peut maintenir des peines anciennes qu’il juge lui-même désormais inutiles.
Le fait de ne pas appliquer la loi nouvelle plus douce revient effectivement à permettre au juge de prononcer des sanctions excessives. L’appréciation souveraine du législateur sur la nécessité d’une peine s’impose dès la promulgation de la norme nouvelle. Cette décision consacre ainsi la valeur constitutionnelle du principe de mitiorité. Ce principe interdit de punir un individu selon une sévérité que la société considère dorénavant comme injustifiée.
B. La validation de la clarté formelle des incriminations pénales
Les requérants critiquaient la précision des nouvelles définitions des délits de menaces et de destructions volontaires de biens. Le juge constitutionnel rappelle que le législateur doit « définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire ». Il estime que les termes de menace ou de détérioration possèdent une acception juridique certaine dans le droit positif français. Les dispositions examinées ne sont donc ni obscures ni imprécises au regard des exigences de l’article 8 de la Déclaration de 1789.
La loi peut ainsi déléguer aux juridictions compétentes le soin d’interpréter des notions comme celle des détériorations légères. Cette latitude accordée aux juges du fond ne tient pas en échec la règle de la légalité des délits et des peines. Le législateur a suffisamment précisé l’objet des menaces et les modes d’expression de l’infraction. La protection de la liberté individuelle est alors garantie par la prévisibilité de la norme pénale.
II. La protection des garanties procédurales face à l’ordre public
A. L’inviolabilité des droits de la défense lors de l’audience
Le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution le pouvoir du président d’audience d’écarter un avocat pour préserver la sérénité des débats. Cette mesure est jugée attentatoire aux droits de la défense, lesquels résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le juge souligne qu’une telle décision pourrait intervenir alors même que l’avocat n’a manqué à aucune obligation de son serment. Une telle éviction est « contraire, tant dans la personne de l’avocat que dans celle du justiciable, aux droits de la défense ».
L’assistance d’un conseil choisi constitue une garantie essentielle du procès équitable que le pouvoir de police de l’audience ne saurait évincer. Le juge censure également la possibilité de se constituer partie civile pour la première fois en cause d’appel. Cette disposition créait une inégalité injustifiée entre les prévenus et méconnaissait l’exigence d’un double degré de juridiction. La protection du justiciable prime ici sur l’objectif de célérité de la procédure pénale.
B. La conciliation délicate entre sûreté et liberté individuelle
Les articles autorisant les vérifications d’identité par la police judiciaire sont déclarés conformes sous réserve d’un encadrement strict. Le Conseil constitutionnel estime que la prévention des atteintes à l’ordre public est nécessaire à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle. La gêne apportée à la liberté d’aller et de venir n’est pas jugée excessive car elle est limitée dans le temps. La rétention ne peut excéder six heures et doit permettre à l’intéressé de prévenir sa famille ou le procureur de la République.
Cette procédure de police administrative est soumise au contrôle permanent de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle selon l’article 66 de la Constitution. Le juge précise qu’il appartiendra aux autorités compétentes de « veiller au respect intégral » des précautions édictées par le législateur. Les tribunaux devront sanctionner les éventuelles illégalités et réparer les dommages causés par des contrôles abusifs. Le Conseil constitutionnel maintient ainsi un équilibre fragile entre les nécessités de la sécurité publique et le respect des libertés fondamentales.