Le Conseil constitutionnel, par sa décision numéro 81-134 DC du 16 janvier 1982, s’est prononcé sur la constitutionnalité de la loi d’orientation sociale. Soixante députés ont saisi l’instance pour contester ce texte habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relatives au droit du travail. Les requérants invoquaient notamment une méconnaissance des règles de procédure parlementaire et une atteinte aux libertés ainsi qu’à l’autonomie des collectivités locales. Le litige portait sur l’application de l’article 40 de la Constitution aux amendements déposés lors de l’examen d’une loi d’habilitation législative. Il s’agissait également de déterminer si les mesures de péréquation financière entre collectivités territoriales respectaient le principe fondamental de libre administration. Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme à la Constitution en validant l’irrecevabilité financière opposée aux amendements formulés par les parlementaires. L’encadrement de la procédure d’habilitation législative précède ici l’analyse de la conciliation opérée entre les réformes sociales et les principes constitutionnels.
I. L’encadrement rigoureux de la procédure législative et de l’habilitation
A. La confirmation de l’applicabilité de l’irrecevabilité financière
Le Conseil constitutionnel affirme que l’article 40 s’applique sans réserve aux amendements déposés lors de l’examen d’une loi d’habilitation législative. Les requérants soutenaient vainement que cette disposition ne pouvait être invoquée pour écarter des propositions de modification parlementaire dans ce contexte précis. Le juge constate que les mesures proposées étaient « toutes génératrices de dépenses » et constituaient une « autorisation, indirecte mais certaine » de charge. Cette interprétation protège les prérogatives budgétaires gouvernementales contre toute initiative parlementaire susceptible de dégrader l’équilibre global des finances publiques de l’Etat. Elle assure une application uniforme des règles de recevabilité financière peu importe la nature du texte législatif discuté devant les assemblées parlementaires.
B. Les limites constitutionnelles imposées à l’exercice du pouvoir d’ordonnance
L’habilitation donnée au Gouvernement ne saurait autoriser une incursion dans les domaines que la Constitution réserve exclusivement aux seules lois organiques nationales. Le juge précise que le texte examiné « ne permet aucunement l’intervention d’ordonnances dans des matières que la Constitution réserve à de telles lois ». Cette précision garantit que le recours à l’article 38 ne devienne pas un moyen de contourner les procédures législatives organiques renforcées. Par ailleurs, les ordonnances doivent impérativement respecter les « principes constitutionnels, notamment en ce qui concerne la liberté, l’égalité et le droit de propriété ». La délégation législative ne constitue donc pas un blanc-seing permettant d’ignorer la hiérarchie des normes ou les garanties fondamentales des citoyens.
II. La conciliation des réformes sociales avec les principes de valeur constitutionnelle
A. Le respect des principes d’égalité et de continuité du service public
La loi autorise la modification des régimes de retraite des agents publics pour favoriser le dégagement d’emplois sans violer le principe d’égalité. Le Conseil estime que ces dispositions « applicables dans le cadre des régimes qui leur sont propres » ne créent aucune discrimination inconstitutionnelle. Cette approche reconnaît la spécificité du statut de la fonction publique tout en permettant une gestion souple des ressources humaines de l’Etat. En outre, le cumul d’une pension et d’un revenu d’activité peut être limité sans heurter le droit fondamental d’obtenir un emploi. Les juges considèrent que ces mesures de régulation sociale ne sont pas « en elles-mêmes contraires à la Constitution » au regard du préambule.
B. La validité de la péréquation financière entre les collectivités territoriales
Le dispositif organisant le financement contractuel de la cessation d’activité des agents locaux respecte le principe de libre administration des collectivités de la République. Les auteurs de la saisine craignaient une mise en demeure des communes de financer des contrats qu’elles n’auraient pas nécessairement librement consentis. Le Conseil rappelle cependant que les collectivités s’administrent librement « dans des conditions prévues par la loi » conformément aux dispositions de l’article 72. La loi peut ainsi instituer un système de péréquation destiné à compenser certaines charges spécifiques liées à l’emploi des personnels locaux. Cette solidarité financière entre collectivités ne constitue pas une atteinte disproportionnée à leur autonomie dès lors que le mécanisme reste strictement encadré.