Le Conseil constitutionnel a rendu le 30 décembre 1982 une décision majeure relative à la conformité de la loi de finances pour 1983. Cette décision intervient suite à une saisine parlementaire contestant la régularité de la procédure législative et le contenu de plusieurs dispositions budgétaires. Les requérants invoquaient notamment un retard dans la distribution d’annexes explicatives et une violation de l’ordre de discussion des deux parties de la loi. Ils critiquaient également le mécanisme des prélèvements sur recettes et la présence de mesures qu’ils jugeaient étrangères au domaine financier. Le juge constitutionnel devait déterminer si ces irrégularités procédurales et ces innovations techniques portaient atteinte aux règles de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. Le Conseil rejette l’essentiel des griefs procéduraux mais censure deux articles n’ayant pas de caractère financier. Cette décision permet d’étudier la préservation de la régularité de la procédure budgétaire ainsi que la validation des mécanismes de recettes et la sanction des cavaliers.
I. La préservation de la régularité et de l’équilibre de la procédure budgétaire
Le Conseil constitutionnel examine d’abord les griefs relatifs à l’information des parlementaires et au respect des délais prévus par les textes organiques. Il écarte le grief tiré du retard de distribution de certaines annexes au projet de loi de finances initial.
A. Le caractère non substantiel du retard d’information parlementaire
L’article 38 de l’ordonnance de 1959 impose la mise à disposition des documents annexes au plus tard le premier mardi d’octobre. Les requérants soutenaient que le retard de quatre jours dans cette distribution constituait une violation grave de la procédure législative. La juridiction précise que cette exigence de délai a « pour objet d’assurer leur information en temps utile pour leur permettre de se prononcer ». Le juge estime que ce léger retard « n’a pu avoir pour effet de priver le Parlement de l’information à laquelle il a droit ». Cette position pragmatique évite qu’une irrégularité purement formelle et mineure n’entraîne l’annulation de l’ensemble de la loi de finances. Elle garantit toutefois que le droit à l’information des membres des assemblées demeure effectif durant toute la durée des débats.
B. La souplesse du vote des parties au regard de l’équilibre budgétaire
Les parlementaires critiquaient également la modification de dispositions de la première partie lors de l’examen de la seconde partie de la loi. Ils invoquaient l’article 40 de l’ordonnance organique interdisant la discussion de la seconde partie avant le vote de la première. Le Conseil constitutionnel juge que cette règle ne fait pas obstacle à des ajustements ultérieurs demandés par le Gouvernement. Ces modifications sont possibles « dès lors que de telles modifications ne portent pas atteinte aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini ». Le juge préserve ainsi une certaine flexibilité nécessaire à la mise en cohérence finale du texte budgétaire par le Parlement. Cette souplesse ne doit cependant pas altérer le consentement initial aux grandes orientations de l’équilibre financier voté en première partie.
II. La reconnaissance du mécanisme des prélèvements sur recettes et la censure des cavaliers
Le Conseil se prononce ensuite sur la validité de techniques comptables nouvelles et sur la nature des dispositions insérées dans le texte. Il valide le système des prélèvements sur recettes tout en rappelant les limites du domaine des lois de finances.
A. La compatibilité des prélèvements sur recettes avec le principe d’universalité
Le mécanisme des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et des communautés européennes était contesté au regard du principe d’universalité. Les requérants y voyaient une contraction interdite entre les recettes et les dépenses de l’État par l’article 18 de l’ordonnance. Le juge rejette cette analyse en soulignant que le montant brut des ressources figure bien de manière distincte dans l’état annexé. Le prélèvement « s’analyse en une rétrocession directe d’un montant déterminé de recettes de l’État au profit des collectivités locales ». Cette technique ne dissimule aucune charge publique car elle concerne des missions qui incombent aux bénéficiaires et non à l’État. Le Conseil consacre ainsi une pratique utile qui concilie les impératifs de clarté budgétaire et les nécessités de la décentralisation.
B. L’exclusion rigoureuse des dispositions étrangères au domaine des lois de finances
La décision examine enfin la présence de dispositions relatives à la gestion du personnel et à la nomination d’agents au sein de la loi. Le Conseil constitutionnel relève que ces mesures n’ont pas d’incidence sur les ressources ou les charges financières de l’année. Les articles concernés « n’ont pas de caractère financier au sens de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 ». En conséquence, le juge déclare ces dispositions contraires à la Constitution pour des raisons de procédure législative inappropriée. Cette censure des cavaliers budgétaires assure que le texte de la loi de finances ne devienne pas un réceptacle de mesures législatives diverses. Elle protège ainsi la spécificité et la cohérence du débat budgétaire contre les tentatives d’insertion de réformes structurelles sans lien financier.