Conseil constitutionnel, Décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 décembre 1983, la décision n° 83-164 DC portant sur l’examen de la loi de finances pour l’exercice 1984. Des membres du Parlement ont déféré ce texte afin de contester la validité de mesures fiscales et de procédures d’enquête jugées attentatoires aux libertés. Les griefs portaient essentiellement sur l’atteinte à l’inviolabilité du domicile et sur la méconnaissance du principe d’égalité entre les contribuables devant les charges publiques.

La juridiction constitutionnelle devait ainsi trancher le conflit entre l’objectif de répression de la fraude et la protection nécessaire des droits fondamentaux des citoyens. Elle a prononcé la censure partielle de la loi, invalidant les perquisitions fiscales mal encadrées ainsi que certaines nomenclatures budgétaires dépourvues de portée juridique réelle. L’examen des limites imposées au législateur en matière de répression fiscale précédera l’étude du respect des cadres de l’égalité et de la procédure budgétaire.

I. L’équilibre entre l’efficacité répressive et la protection de l’inviolabilité du domicile

Le juge constitutionnel affirme la légitimité de l’action répressive de l’État tout en imposant des garanties procédurales strictes pour la sauvegarde des droits individuels.

A. La consécration constitutionnelle de la lutte contre la fraude fiscale

La décision réaffirme la pleine valeur constitutionnelle de l’article 13 de la Déclaration de 1789 concernant la nécessité de la contribution aux charges publiques. Le juge souligne que « l’exercice des libertés et droits individuels ne saurait en rien excuser la fraude fiscale ni en entraver la légitime répression ». Cette position reconnaît au législateur une large compétence pour définir les moyens nécessaires à l’entretien de la force publique et des services de l’administration.

L’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’évasion fiscale justifie donc l’existence de procédures de contrôle et d’investigation au sein de la sphère privée. Toute légitime que soit cette action administrative, elle doit néanmoins s’exercer dans un cadre protecteur des garanties fondamentales offertes à chaque citoyen français.

B. L’exigence impérative d’un contrôle judiciaire effectif des visites domiciliaires

Le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 66 de la Constitution confie à l’autorité judiciaire la garde de la liberté individuelle et de l’inviolabilité du domicile. Il censure l’article 89 car les dispositions n’assignent pas au juge la mission de « vérifier de façon concrète le bien-fondé de la demande » d’investigation. L’insuffisance des précisions législatives laissait un pouvoir discrétionnaire à l’administration, risquant ainsi d’engendrer des pratiques abusives contraires au respect fondamental de la vie privée.

L’intervention du juge doit demeurer effective tout au long du déroulement des opérations autorisées afin de garantir la sauvegarde réelle des droits des citoyens. Si la protection des libertés individuelles limite les pouvoirs d’investigation, elle ne s’oppose pas à une structuration rigoureuse de la fiscalité et du budget national.

II. La mise en œuvre des principes d’égalité fiscale et de sincérité budgétaire

Le respect du principe d’égalité guide l’appréciation des nouvelles charges fiscales tandis que la loi organique impose une rigueur formelle à la présentation budgétaire.

A. La validité des distinctions législatives fondées sur des critères objectifs et rationnels

L’égalité devant l’impôt n’implique pas une uniformité absolue de traitement mais autorise des différenciations fondées sur des situations distinctes ou des motifs d’intérêt général. Les magistrats valident le seuil de détention du capital social fixé pour la qualification de biens professionnels au sein de l’assiette de l’impôt foncier. Le législateur fonde son appréciation sur des « critères objectifs et rationnels » permettant une répartition régulière de la contribution en raison des facultés des citoyens.

L’aménagement de régimes fiscaux spécifiques pour certaines catégories professionnelles ne constitue pas une discrimination arbitraire dès lors qu’il répond à des nécessités économiques. Au-delà du respect de l’égalité devant les charges publiques, le législateur doit également se conformer aux exigences formelles régissant la présentation des finances de l’État.

B. La sanction de l’inscription irrégulière de nomenclatures budgétaires purement intentionnelles

L’ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances encadre strictement la nomenclature budgétaire et interdit la création d’emplois sans disposition législative expresse. La juridiction censure l’inscription de chapitres dotés seulement pour mémoire, considérant qu’une « intention d’action future ne saurait trouver place dans une loi de finances ». Cette rigueur formelle assure la clarté des débats parlementaires et préserve le droit de contrôle effectif du Parlement sur la gestion des deniers publics.

L’équilibre financier et la sincérité des ressources imposent une définition précise des crédits ouverts, excluant ainsi les mesures dépourvues de portée juridique ou financière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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