Conseil constitutionnel, Décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984

Le Conseil constitutionnel a rendu le 20 janvier 1984 une décision majeure concernant la loi portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Saisi par le président du Sénat et plusieurs députés, le juge devait examiner la conformité de mécanismes de gestion collective du personnel. Les requérants soutenaient que l’affiliation obligatoire à des centres de gestion et les contraintes de recrutement portaient atteinte à la libre administration locale. Le litige opposait la volonté législative d’unifier le statut des agents territoriaux aux prérogatives constitutionnelles des conseils élus des collectivités. Le Conseil valide l’économie générale de la loi mais censure les dispositions restreignant excessivement l’autonomie de décision des autorités locales. Il affirme que si les collectivités « s’administrent librement par des conseils élus », cette liberté s’exerce impérativement « dans les conditions prévues par la loi ».

I. La validation du cadre unifié de gestion territoriale

A. La légitimité constitutionnelle de l’affiliation obligatoire

Le législateur peut imposer aux collectivités l’adhésion à des centres de gestion pour mutualiser le recrutement et la gestion des carrières administratives. Cette structure composée d’élus locaux ne remet pas en cause l’article 72 de la Constitution car elle respecte le principe de gestion démocratique. Le juge estime que la loi peut « attribuer compétence à des centres de gestion » pour effectuer des tâches techniques sans dessaisir les élus. L’objectif de garantir des règles statutaires communes à l’ensemble des agents justifie pleinement cette organisation centralisée des concours et des listes d’aptitude. Cette mutualisation permet d’assurer une égalité de traitement entre les fonctionnaires tout en optimisant les moyens financiers des plus petites structures locales.

B. Le maintien des prérogatives essentielles de l’autorité territoriale

La conformité de la loi dépend du maintien de pouvoirs effectifs entre les mains des élus locaux concernant le destin de leurs services. L’autorité territoriale doit conserver la maîtrise des créations d’emplois ainsi que le pouvoir de « nomination aux grades et emplois » de sa collectivité. Le Conseil souligne que l’élu décide librement des positions statutaires, de la notation et exerce un pouvoir disciplinaire complet sur ses agents permanents. La loi ne saurait priver l’autorité locale de son droit de recours contre les actes pris par les centres de gestion de personnels. Cette préservation des compétences fondamentales garantit que l’administration locale ne devient pas une simple instance d’exécution d’un organisme technique extérieur.

II. La protection de l’autonomie locale et du domaine de la loi

A. L’exigence d’une définition législative des centres de gestion

Le législateur méconnaît sa propre compétence lorsqu’il délègue au pouvoir réglementaire la fixation des règles de composition des nouveaux établissements publics nationaux. Le juge considère que les centres de gestion constituent une « catégorie nouvelle d’établissements publics » sans équivalent préexistant dans l’ordonnancement juridique français actuel. En vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient exclusivement à la loi de fixer les règles relatives à leur conseil d’administration. Le renvoi à un décret en Conseil d’État pour déterminer les modalités d’élection des membres de ces centres est donc déclaré inconstitutionnel. Cette rigueur garantit que les équilibres politiques entre les différentes collectivités ne dépendent pas d’une simple décision arbitraire du gouvernement.

B. La censure des sanctions portant atteinte à la libre administration

Certaines sanctions prévues par la loi frappent de manière disproportionnée les collectivités et portent ainsi une atteinte directe au principe de libre administration. La nullité des nominations effectuées par une autorité non affiliée ayant omis de communiquer ses vacances d’emplois est jugée contraire à la Constitution. Le Conseil censure également les conséquences financières excessives imposées à une commune refusant d’intégrer un candidat proposé par le centre de gestion. Une charge financière dépassant la moitié du traitement de l’agent constitue une « sanction incompatible avec l’article 72 » si elle ignore les motifs du refus. Enfin, le gouvernement ne peut pas limiter le droit de chaque maire à recruter librement au moins un collaborateur de cabinet personnel.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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