Conseil constitutionnel, Décision n° 84-182 DC du 18 janvier 1985

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 24 janvier 1985, une décision fondamentale relative à la loi organisant les professions d’administrateur judiciaire et de mandataire-liquidateur. Ce texte législatif visait à restructurer en profondeur le traitement des entreprises en difficulté en créant des professions réglementées et soumises à une surveillance accrue. Plusieurs parlementaires ont saisi la juridiction constitutionnelle afin de contester la conformité de nombreuses dispositions au regard de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Les auteurs de la saisine invoquaient également la méconnaissance des droits de la défense ainsi que la violation du principe d’égalité devant les charges publiques. La question centrale portait sur la faculté du législateur de confier à des commissions administratives des prérogatives touchant à l’exercice des mandats de justice. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du dispositif d’organisation professionnelle mais censure les dispositions permettant à une commission de substituer un administrateur provisoire au juge.

I. L’encadrement administratif et disciplinaire conforme aux principes constitutionnels

A. La validation des listes professionnelles sous le contrôle final du juge

Le Conseil constitutionnel admet la mise en place de commissions nationales ou régionales chargées d’établir les listes d’aptitude pour les mandataires de justice. Cette organisation ne porte pas atteinte à l’indépendance judiciaire car le magistrat conserve la liberté de choisir le professionnel en chaque espèce. Le juge précise qu’il « appartient exclusivement à l’autorité judiciaire de procéder à la nomination du mandataire de justice qu’elle choisit ». La loi garantit une liberté de choix effective dès lors que les listes établies par les commissions sont suffisamment étendues pour le tribunal. Les recours prévus devant la cour d’appel compétente assurent une protection juridictionnelle efficace contre les décisions d’inscription ou de retrait de ces listes.

B. La régularité du pouvoir disciplinaire et du régime de responsabilité

L’attribution d’un pouvoir disciplinaire à des commissions spéciales ne heurte aucun principe de valeur constitutionnelle, même si ces organes exercent parallèlement des fonctions administratives. La composition de ces commissions offre des garanties sérieuses d’impartialité, notamment par la présence de magistrats et l’instauration d’une procédure contradictoire rigoureuse. Le respect des droits de la défense est assuré par l’obligation de motiver les décisions et par l’existence d’un recours suspensif devant la juridiction judiciaire. Par ailleurs, la mutualisation des risques professionnels via une caisse de garantie commune ne constitue pas une discrimination injustifiée entre les administrateurs et les mandataires. Le législateur se borne à prévoir un mécanisme de couverture des risques sans instituer une responsabilité pour autrui entre ces deux professions distinctes.

II. La censure de l’immixtion des commissions dans la fonction juridictionnelle

A. L’atteinte caractérisée à l’indépendance de l’autorité judiciaire

Le Conseil constitutionnel sanctionne sévèrement les dispositions prévoyant le remplacement d’un administrateur judiciaire empêché par une décision directe de la commission professionnelle. L’article 64 de la Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire, laquelle doit conserver la maîtrise totale des auxiliaires qu’elle désigne pour une mission. En substituant la commission au juge pour nommer un administrateur provisoire, le législateur « prive l’autorité judiciaire de la responsabilité et du pouvoir de contrôle qui lui reviennent ». Cette immixtion administrative dans le cours d’une procédure judiciaire rompt le lien nécessaire entre le mandataire de justice et le magistrat qui le supervise. La décision affirme que l’exécution des mandats de justice en cours doit rester soumise à la seule autorité judiciaire en raison de leur nature.

B. L’indissociabilité du mandat de justice et du contrôle par le juge

La censure prononcée par les juges constitutionnels souligne que le mandataire de justice n’est pas un simple agent administratif soumis à une instance corporative. La désignation d’un remplaçant en cas d’empêchement ou de suspension provisoire constitue un acte juridictionnel qui ne peut être délégué à une commission. Les dispositions des articles 7 et 15 de la loi sont ainsi déclarées non conformes car elles retirent au juge sa compétence naturelle de nomination. Cette inconstitutionnalité s’étend par voie de conséquence aux articles qui assuraient la mise en application de ces remplacements forcés par l’autorité administrative. La portée de cette décision renforce la réserve de compétence de l’autorité judiciaire pour tout ce qui touche au cœur de l’activité juridictionnelle. Le Conseil constitutionnel protège ainsi la fonction du juge contre toute velléité de transfert de ses pouvoirs de gestion procédurale à des instances extérieures.

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Hassan KOHEN
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