Le Conseil constitutionnel a rendu, le 7 janvier 1988, une décision fondamentale relative à la régularité de la procédure législative et à l’étendue du droit d’amendement. Un amendement réduisant le monopole des géomètres-experts fut introduit lors de l’examen d’un projet de loi tendant à l’amélioration de la concurrence économique nationale. Les auteurs de la saisine ont contesté cette disposition en invoquant l’absence de lien nécessaire avec le texte initial et une violation des articles constitutionnels. Ils soutenaient que cet ajout tardif, intervenu après l’échec de la commission mixte paritaire, aurait dû faire l’objet d’un texte législatif parfaitement distinct. La question posée au juge constitutionnel porte sur les limites matérielles et temporelles du droit d’amendement au cours de la navette parlementaire accélérée. La juridiction a jugé que les dispositions n’étaient pas dépourvues de tout lien avec le projet et que l’article 45 n’imposait aucune restriction spécifique. Cette décision invite à examiner d’abord l’admission du lien matériel de l’amendement (I) puis l’exercice souverain du droit d’amendement en fin de procédure (II).
I. La reconnaissance d’un lien matériel suffisant avec l’objet de la loi
L’examen du grief relatif à l’existence d’un cavalier législatif conduit le juge à vérifier la cohérence globale des dispositions introduites par la voie de l’amendement.
A. L’appréciation large du lien avec le projet de loi initial
Le juge constitutionnel vérifie si les dispositions contestées « ne sont pas dépourvues de tout lien avec les autres dispositions du projet de loi » initialement soumis. Cette formulation prudente témoigne d’une volonté de ne pas brider excessivement l’initiative parlementaire tout en préservant la clarté nécessaire des débats lors du vote. La juridiction considère que l’amendement visant les géomètres-experts participe directement à l’objectif général d’amélioration de la concurrence affiché par le gouvernement dans son projet. En refusant de sanctionner cette disposition, elle valide une conception souple du périmètre législatif qui autorise des adjonctions diverses si elles servent une finalité commune.
B. La justification par la nature économique de la mesure contestée
La réduction du monopole d’une profession réglementée s’inscrit logiquement dans une politique de libéralisation des activités de services et de renforcement des mécanismes du marché. L’article 9 modifie ainsi le champ de la protection pénale des activités relevant de cette profession afin de permettre une plus grande fluidité des prestations techniques. Le juge constitutionnel estime que cette modification structurelle de l’ordre juridique ne constitue pas une intrusion étrangère au texte mais une modalité concrète de son application. Cette analyse permet de maintenir une unité thématique forte au sein de la loi tout en évitant la multiplication inutile des propositions de lois spécifiques.
II. La plénitude du droit d’amendement après l’échec de la commission mixte
La régularité procédurale de l’adoption de l’article 9 repose également sur l’interprétation des règles régissant la fin de la navette parlementaire après une divergence persistante.
A. L’absence de restrictions procédurales lors de la lecture finale
Les auteurs de la saisine prétendaient que l’article 45 de la Constitution interdisait l’introduction de dispositions nouvelles à ce stade avancé de la discussion législative ordinaire. La juridiction répond fermement que ce texte « ne comporte aucune restriction particulière au droit d’amendement appartenant soit au Gouvernement soit aux députés » élus. Cette interprétation littérale de la norme suprême garantit que les parlementaires conservent leur pouvoir de modification jusqu’au vote définitif du texte par les assemblées. Le juge écarte ainsi une vision restrictive qui aurait pu figer le contenu de la loi dès la réunion de la commission paritaire mixte.
B. La préservation de la liberté d’initiative au service du débat
Le maintien d’un droit d’amendement large favorise l’adaptation du texte aux nécessités politiques du moment sans obliger le législateur à recommencer intégralement le processus de création. La décision souligne que l’article 9 a été voté selon une procédure conforme puisque le texte final a été soumis à la seconde chambre avant son adoption. Cette exigence de présentation aux deux assemblées assure le respect du bicamérisme et prévient toute adoption unilatérale de mesures totalement inconnues des autres élus. La solution retenue renforce ainsi la fluidité du travail législatif tout en encadrant les conditions de validité des amendements tardifs par le contrôle du lien.