Conseil constitutionnel, Décision n° 85-204 DC du 16 janvier 1986

Le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 17 juillet 1985 relative à l’accès dérogatoire au corps des ministres plénipotentiaires de l’État français. Un article législatif autorisait la nomination de chefs de mission diplomatique n’ayant pas la qualité de fonctionnaire après seulement six mois d’exercice. Des membres du Parlement ont saisi le juge constitutionnel pour contester la validité de ce mode de recrutement au regard des principes républicains. Ils soutenaient que ce dispositif méconnaissait l’égal accès aux emplois publics et créait un privilège injustifié au profit des agents ainsi nommés. Le juge devait déterminer si le législateur pouvait déroger aux règles classiques de concours pour diversifier les profils de la haute diplomatie. La décision valide le principe d’un recrutement hors tour mais censure les modalités d’intégration indiciaire trop favorables pour ces nouveaux agents publics. L’analyse porte d’abord sur la validation d’un recrutement administratif diversifié avant d’aborder la sanction nécessaire des avantages de carrière jugés discriminatoires.

I. La reconnaissance de la pluralité des modes d’accès à la fonction publique

A. La conciliation entre l’égalité constitutionnelle et les besoins du service

Le juge rappelle que le principe d’égalité impose que les nominations ne tiennent compte que de la capacité, des vertus et des talents. Cette règle fondamentale n’empêche pas de différencier les modes de recrutement pour répondre aux besoins spécifiques des différents services de l’administration publique. Le Conseil considère que les règles de sélection peuvent varier afin de permettre une appréciation adaptée des aptitudes et des qualités des futurs candidats. Il souligne que le législateur a cherché à « diversifier le mode de recrutement de la haute fonction diplomatique » par cette mesure législative nouvelle. La décision confirme ainsi que le concours n’est pas l’unique voie constitutionnelle pour accéder aux emplois de direction de la fonction publique.

B. La validation sous condition d’un pouvoir de nomination gouvernemental encadré

Les requérants dénonçaient un pouvoir arbitraire conféré au Gouvernement dans le choix des bénéficiaires de cette mesure d’intégration fonctionnelle et statutaire. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en soulignant que les nominations sont limitées par des quotas stricts définis directement dans le texte législatif. Le nombre de ces emplois ne peut excéder cinq pour cent de l’effectif total des ministres plénipotentiaires selon les dispositions de la loi. Cette limitation garantit que le recrutement par concours reste la voie normale d’accès au corps tout en permettant une ouverture contrôlée vers l’extérieur. Le juge estime que ces garanties objectives suffisent à écarter le risque d’un détournement de pouvoir ou d’une atteinte grave à l’égalité.

Si le Conseil admet la diversification des profils au nom de l’efficacité administrative, il refuse néanmoins d’accorder des avantages statutaires automatiques aux nouveaux nommés.

II. La sanction d’une rupture d’égalité dans le déroulement des carrières

A. La qualification d’un privilège indiciaire contraire à la Déclaration de 1789

La loi prévoyait que les intéressés seraient intégrés directement à un grade et un échelon correspondant au niveau indiciaire atteint durant leur mission. Le juge censure cette disposition car elle aurait pour effet de « procurer (…) un avantage de carrière constituant un privilège » par rapport aux autres agents. Cette intégration automatique méconnaît l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme car elle ne repose sur aucune justification d’intérêt général suffisante. Les bénéficiaires recevraient un traitement favorable sans lien direct avec leurs mérites personnels ou la nature particulière des responsabilités exercées précédemment. Le Conseil réaffirme que l’égalité doit s’appliquer non seulement lors de l’accès à l’emploi mais également durant toute l’évolution professionnelle ultérieure.

B. La protection de la cohérence statutaire au sein du corps diplomatique

La censure de l’alinéa litigieux permet de préserver l’équilibre entre les fonctionnaires de carrière et les personnes issues de ce nouveau mode de recrutement. Le juge refuse que des nominations discrétionnaires entraînent une rupture caractérisée de l’égalité au détriment des diplomates recrutés par la voie classique du concours. Cette solution protège la hiérarchie administrative en évitant que des agents externes ne bénéficient de positions plus favorables que leurs collègues plus anciens. Le Conseil constitutionnel veille ainsi à ce que la souplesse de gestion n’aboutisse pas à la création de catégories d’agents bénéficiant de faveurs injustifiées. La décision garantit que le mérite reste le critère prédominant pour l’avancement au sein de tous les corps de la haute fonction publique.

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Hassan KOHEN
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