Conseil constitutionnel, Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 septembre 1986, une décision majeure concernant les mécanismes juridiques de lutte contre les activités terroristes. Cette décision porte sur la constitutionnalité de dispositions modifiant les règles de poursuite, d’instruction et de jugement pour des infractions spécifiques. Les auteurs de la saisine contestaient la création de procédures dérogatoires et l’extension de peines obligatoires au regard des libertés fondamentales. Ils soutenaient que le principe de légalité des délits et des peines ainsi que l’égalité devant la justice étaient gravement méconnus. Le recours visait également l’allongement de la garde à vue et la compétence d’une cour d’assises composée exclusivement de magistrats professionnels. Le juge devait déterminer si la nature particulière du terrorisme autorisait le législateur à écarter les garanties habituelles de la procédure pénale. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du dispositif en soulignant la précision suffisante des termes employés pour définir l’entreprise terroriste. Il prononce néanmoins l’inconstitutionnalité de l’article 4 en raison d’une extension injustifiée de ce régime aux atteintes à la sûreté de l’État. L’analyse du cadre juridique validé pour le terrorisme permettra de comprendre ensuite la censure de son extension disproportionnée au droit commun.

**I. La validation d’un régime juridique spécialisé pour le terrorisme**

A. La précision de l’élément intentionnel de l’entreprise terroriste

Le juge valide la définition de l’infraction terroriste par référence à une « entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public ». Cette formulation ne méconnaît pas le principe de légalité car elle s’appuie sur des infractions préalablement définies de manière objective par le code pénal. L’exigence de clarté est respectée puisque les faits constitutifs sont énoncés en des « termes d’une précision suffisante » pour les justiciables. La loi prévoit des sanctions spécifiques comme l’interdiction de séjour ou des exemptions de peine sans heurter la nécessité de précision des incriminations.

B. La légitimité des dérogations procédurales face aux menaces

L’absence de jurés populaires en matière criminelle est justifiée par la volonté de « déjouer l’effet des pressions ou des menaces » sur la juridiction. Le Conseil estime que la cour d’assises spéciale présente des « garanties requises d’indépendance et d’impartialité » équivalentes à celles de la formation de droit commun. La prolongation de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures est admise grâce au contrôle d’un magistrat du siège et à la surveillance médicale obligatoire. Le législateur peut valablement adapter la procédure pénale dès lors que les droits de la défense demeurent intégralement préservés pour chaque justiciable. La légitimité de ce régime exceptionnel se heurte toutefois à l’exigence de proportionnalité lorsque les spécificités du terrorisme font défaut.

**II. La censure de l’extension injustifiée aux atteintes à la sûreté de l’État**

A. L’absence de spécificité propre aux infractions de droit commun

L’article 4 de la loi est déclaré non conforme car il étendait ce régime sévère à des infractions ne présentant aucun lien avec le terrorisme. Le législateur ne peut traiter différemment des situations identiques sans établir une « discrimination injustifiée » au regard des caractéristiques réelles des faits. Les atteintes à la sûreté de l’État ne sauraient subir des règles dérogatoires conçues exclusivement pour lutter contre une criminalité organisée particulièrement grave.

B. Le maintien de l’unité des garanties juridictionnelles fondamentales

Le juge constitutionnel impose ici une limite stricte à la spécialisation des procédures pénales en rappelant la primauté du principe d’égalité devant la justice. Cette décision marque la volonté de protéger le domaine du droit commun face à une tendance législative cherchant à multiplier les exceptions procédurales. La protection de la liberté individuelle commande que toute dérogation au droit commun demeure strictement proportionnée à la nature des actes commis. Le Conseil assure ainsi que l’efficacité de la répression ne l’emporte jamais de manière disproportionnée sur le respect des garanties constitutionnelles essentielles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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