Le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 décembre 1986, une décision majeure relative à la conformité de la loi de finances pour l’année suivante. Des parlementaires saisirent la juridiction pour contester la procédure d’adoption de divers articles et la validité de mesures touchant aux personnels de l’éducation nationale. Le litige portait principalement sur la faculté d’introduire des amendements lors de l’examen du texte élaboré par une commission mixte paritaire chargée de conciliation. Les juges devaient aussi trancher la question du périmètre matériel des lois de finances face à des dispositions jugées étrangères à l’objet budgétaire. La décision valide le droit d’amendement gouvernemental tardif mais censure strictement les cavaliers budgétaires dépourvus de portée financière réelle au sens organique. L’analyse de cette décision conduit à examiner l’encadrement de la procédure législative avant d’apprécier la rigueur du contrôle exercé sur le contenu matériel de la loi.
I. L’admission du droit d’amendement après la commission mixte paritaire
A. La reconnaissance d’une faculté de modification du texte commun
Le Conseil constitutionnel affirme que l’adoption d’un texte commun par une commission mixte paritaire ne paralyse pas l’exercice du droit d’amendement du Gouvernement. Les juges précisent que ce dernier peut modifier ou compléter le texte élaboré par la commission en soumettant ses propres amendements aux deux assemblées. « Ces amendements peuvent même avoir pour effet d’affecter des dispositions qui ont déjà été votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Cette interprétation libérale de l’article 45 de la Constitution garantit une souplesse nécessaire à l’ajustement des politiques publiques lors de la phase finale. La décision préserve ainsi l’initiative législative gouvernementale jusqu’au terme de la procédure parlementaire afin de répondre aux nécessités de la gestion des finances.
B. La soumission de l’amendement aux principes de lien et de portée
La liberté reconnue au pouvoir exécutif n’est pas absolue et demeure encadrée par des exigences structurelles visant à protéger la clarté des débats. Les adjonctions ou modifications apportées ne sauraient « ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement ». Les juges vérifient que les dispositions nouvelles conservent une relation directe avec le texte initialement soumis à la commission mixte paritaire lors de la discussion. Cette exigence de lien permet d’éviter l’introduction de mesures totalement étrangères à l’objet de la loi au stade ultime de son adoption définitive. Le Conseil constitutionnel veille ainsi au respect de l’équilibre des pouvoirs législatif et exécutif tout en assurant la cohérence globale de la norme produite.
II. La protection de l’intégrité du domaine des lois de finances
A. La validation des mesures relatives à la structure des emplois publics
Les requérants contestaient la suppression d’emplois au sein de l’éducation nationale en invoquant un empiètement sur la compétence réglementaire et une méconnaissance des droits acquis. Le Conseil constitutionnel rejette ces arguments en s’appuyant sur l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. « Les créations et transformations d’emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances », selon les dispositions de ce texte. La suppression de postes de personnels mis à disposition ne constitue pas une injonction illégale mais une application régulière des prérogatives financières du Parlement. La juridiction écarte également les griefs relatifs à l’indemnisation de préjudices éventuels qui ne font naître aucun droit de créance immédiat contre l’État.
B. La censure des dispositions étrangères à l’objet financier de la loi
Le contrôle du Conseil constitutionnel se fait plus rigoureux lorsqu’il s’agit de purger la loi de finances des dispositions qualifiées de cavaliers budgétaires. L’article 99 modifiait le régime de l’aide personnalisée au logement sans présenter de caractère financier direct ou de lien avec les ressources publiques. Le Conseil juge que cette disposition n’est pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de finances en vertu de l’ordonnance. « Elle a été adoptée selon une procédure non conforme à la Constitution » en raison de son absence totale de portée budgétaire au sens organique. Cette sanction préserve la spécificité des lois de finances et empêche le Parlement d’utiliser ce vecteur législatif accéléré pour des réformes de fond. La rigueur de cette délimitation assure la clarté des comptes publics et le respect du domaine exclusif des textes financiers spécialisés.