Par sa décision n° 86-223 DC rendue le 29 décembre 1986, le juge constitutionnel a examiné la conformité de plusieurs dispositions de la loi de finances rectificative. Cette saisine émanant de membres du Parlement concernait principalement la validation rétroactive d’impositions irrégulières ainsi que les conditions d’abrogation de certaines obligations fiscales spécifiques. Les auteurs de la requête critiquaient une atteinte au principe d’égalité et une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence définie à l’article 34. La question principale portait sur l’étendue du pouvoir législatif pour régulariser des situations passées et sur la délégation du calendrier législatif au seul pouvoir réglementaire. La juridiction juge les validations conformes si elles respectent l’autorité de la chose jugée mais elle censure l’absence de limites posées au Gouvernement pour abroger une loi. L’analyse présentera d’abord l’encadrement des validations fiscales rétroactives avant d’étudier la sanction de l’incompétence négative du législateur relative à l’entrée en vigueur des textes.
**I. L’encadrement des validations législatives en matière fiscale**
**A. La reconnaissance d’un pouvoir de modification rétroactive pour motif d’intérêt général**
Le législateur dispose de la faculté de modifier rétroactivement les règles fiscales pour des motifs impérieux d’intérêt général liés à la sauvegarde des finances publiques. Cette intervention vise à prévenir le développement de contestations dont l’aboutissement entraînerait des conséquences dommageables pour l’État ou les diverses collectivités territoriales françaises. L’utilisation des termes « en conséquence » souligne la volonté d’appliquer immédiatement les nouvelles règles d’évaluation aux impositions dues antérieurement sans pour autant valider toute irrégularité. Cette rétroactivité permet de sécuriser des ressources publiques menacées par des difficultés d’interprétation ou d’application de la législation fiscale initiale ayant généré de nombreux litiges.
**B. La préservation nécessaire des garanties juridictionnelles et des principes constitutionnels**
L’application rétroactive de la législation fiscale rencontre des limites infranchissables liées au respect de l’indépendance des juridictions et du principe de non-rétroactivité répressive. « L’application rétroactive de la loi fiscale ne saurait préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ». Le respect de la chose jugée garantit que les situations définitivement tranchées par les tribunaux ne soient pas remises en cause par une intervention législative ultérieure. Par ailleurs, le législateur ne peut infliger des sanctions pour des agissements antérieurs qui n’étaient pas réprimés sous l’empire de la loi ancienne en vigueur.
**II. La censure de l’incompétence négative du législateur**
**A. L’obligation d’épuiser la compétence législative fixée par l’article 34 de la Constitution**
L’article 34 de la Constitution impose au législateur de fixer lui-même les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. En l’espèce, le texte prévoyait l’abrogation d’une obligation de contrôle fiscal tout en laissant au Gouvernement le soin d’en fixer souverainement la date d’effet. Le juge estime que le Parlement ne peut abandonner l’exercice de sa compétence à l’autorité réglementaire sans assortir cette délégation de limites précises et encadrées. Cette situation constitue une incompétence négative puisque le législateur n’a pas épuisé l’étendue des pouvoirs que la Constitution lui attribue exclusivement dans le domaine fiscal.
**B. L’impossibilité constitutionnelle de déléguer sans cadre le pouvoir d’abroger une loi**
Le juge a déclaré non conformes les dispositions permettant au pouvoir réglementaire de décider seul du moment où une loi cesse de produire ses effets. S’il peut confier au Gouvernement la fixation de la date d’entrée en vigueur, il ne peut lui conférer un pouvoir discrétionnaire sans aucune orientation préalable. L’abrogation d’un texte législatif relève de la compétence exclusive de la loi et ne peut dépendre d’un décret dont l’adoption resterait incertaine ou arbitraire. Par cette décision, la juridiction garantit la séparation des pouvoirs et empêche que des obligations imposées aux contribuables ne soient supprimées sans un contrôle parlementaire effectif.