Conseil constitutionnel, Décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 23 janvier 1987, une décision majeure relative à une loi portant diverses mesures d’ordre social. Cette espèce porte principalement sur les limites du droit d’amendement parlementaire et sur la protection des droits sociaux garantis par le Préambule de 1946. L’adoption du texte fut contestée par des parlementaires critiquant les modalités du scrutin public et l’introduction tardive d’un dispositif massif sur le temps de travail. Les auteurs de la saisine invoquaient également une méconnaissance de l’égalité devant la loi concernant l’accès à certaines prestations sociales sous condition de résidence. Le juge constitutionnel devait déterminer si l’exercice du droit d’amendement peut valablement se substituer à une initiative législative complète et autonome. Il s’est aussi prononcé sur la compatibilité d’une restriction territoriale aux aides sociales avec l’exigence de protection de la santé et de la sécurité matérielle. La décision écarte le grief procédural relatif au vote personnel mais censure l’article sur le temps de travail pour détournement de procédure législative. L’article relatif aux prestations sociales est déclaré conforme sous réserve d’une interprétation stricte garantissant des moyens convenables d’existence à tout être humain. La régularité du processus législatif impose le respect scrupuleux de l’initiative parlementaire tandis que les droits sociaux fondamentaux encadrent étroitement l’action du législateur ordinaire.

I. La protection de l’intégrité de la procédure législative

A. L’appréciation pragmatique de la régularité des scrutins parlementaires

Les auteurs de la saisine soutenaient que le vote global de la loi était entaché d’irrégularité au regard de l’article 27 de la Constitution française. Selon cette disposition, « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » et la loi organique autorise seulement exceptionnellement une délégation de vote unique. Le juge constitutionnel rejette ce grief faute de preuve qu’un député aurait été porté comme émettant « un vote contraire à son opinion ». Il ajoute que la majorité requise n’aurait pu être atteinte sans ces votes pour que la nullité de la procédure d’adoption soit prononcée. Cette position protectrice de l’autonomie des assemblées évite une immixtion trop systématique du juge dans la vérification matérielle des délégations de vote habituelles.

B. La sanction du détournement de l’initiative législative par voie d’amendement

L’article 39 de la loi contestée introduisait une réforme complexe de l’aménagement du temps de travail par le biais d’un amendement déposé par le Gouvernement. Le juge relève que ces dispositions reprenaient l’intégralité d’un texte initialement destiné à être adopté par ordonnances sur le fondement d’une loi d’habilitation. La décision énonce que ces adjonctions « excèdent les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement » en raison de leur ampleur et de leur importance manifeste. Elles méconnaissent la distinction constitutionnelle entre les projets de loi visés à l’article 39 et les simples amendements régis par l’article 44. Cette jurisprudence consacre une limite matérielle à l’amendement gouvernemental pour empêcher le contournement du débat parlementaire normal sur des réformes d’envergure nationale. L’examen de la validité substantielle des autres dispositions de la loi permet ensuite de préciser le régime juridique des prestations sociales non contributives.

II. L’encadrement des droits sociaux et du principe d’égalité

A. La garantie constitutionnelle des moyens convenables d’existence

L’article 4 de la loi subordonnait l’attribution de certaines allocations de solidarité à une condition de durée minimale de résidence sur le territoire national français. Le Conseil constitutionnel estime que cette exigence territoriale ne constitue pas en elle-même une discrimination prohibée par l’article 2 de la Constitution de 1958. Il rappelle toutefois que le Préambule de 1946 garantit à tous « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». La Nation doit assurer à tout être humain se trouvant dans l’incapacité de travailler « le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Le législateur peut fixer une durée de résidence mais sans « aboutir à mettre en cause les dispositions précitées du Préambule » pour les individus démunis.

B. La validité de l’activité libérale au sein du service public hospitalier

La loi autorisait également les praticiens hospitaliers exerçant à temps plein à développer une activité libérale restreinte au sein des établissements publics d’hospitalisation. Les requérants invoquaient une rupture d’égalité entre les médecins et une méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques dans la gestion hospitalière. Le juge valide le dispositif en soulignant que le droit de demander un contrat d’activité libérale est identique pour tous les praticiens statutaires. La décision relève l’existence d’une « redevance pour service rendu » versée par le médecin à l’établissement en contrepartie de l’utilisation des installations techniques communes. Cette contribution financière permet de compenser l’usage privé du service public et écarte ainsi tout grief d’inconstitutionnalité fondé sur une rupture d’égalité.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture