Conseil constitutionnel, Décision n° 87-231 DC du 5 janvier 1988

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité d’une loi organique modifiant les règles relatives aux incompatibilités entre mandats parlementaires et fonctions publiques. Le texte initial du code électoral restreignait strictement les possibilités pour un parlementaire de siéger au sein des conseils d’administration des établissements nationaux. La réforme proposée entendait élargir ces exceptions aux élus désignés en raison de l’exercice d’un mandat local spécifique dans ces mêmes organismes. Saisi de plein droit en vertu de la procédure applicable aux lois organiques, le juge constitutionnel devait examiner la régularité de cette extension législative. La question posée portait sur la faculté du législateur d’ajouter un motif de dérogation au principe d’incompatibilité sans porter atteinte à l’indépendance parlementaire. Le Conseil constitutionnel a conclu, le 14 novembre 1986, à la parfaite conformité de l’article unique de la loi au regard des exigences posées par la Constitution.

I. La redéfinition législative des exclusions au régime des incompatibilités

A. L’intégration des mandats locaux dans le dispositif dérogatoire Le premier alinéa de l’article LO 145 du code électoral pose le principe de « l’incompatibilité du mandat de député avec certaines fonctions de direction ». Cette règle fondamentale vise à prévenir les conflits d’intérêts entre la mission nationale du législateur et la gestion des entités publiques économiques. La modification législative introduite permet désormais de déroger à cette interdiction pour les parlementaires nommés au titre d’un « mandat électoral local ». Cette évolution reconnaît l’importance de la représentation des territoires au sein des organes de direction des grandes entreprises nationales et des établissements publics. Le législateur a souhaité que l’expérience locale d’un élu puisse bénéficier à la gestion de ces structures sans entraîner la déchéance de son mandat. Le juge constitutionnel valide cette extension en constatant qu’elle ne dénature pas l’esprit général du régime des incompatibilités fixé par les textes organiques.

B. L’exigence d’une désignation prévue par les textes organisateurs L’exclusion du champ de l’incompatibilité demeure strictement encadrée par une condition formelle impérative précisée dans le texte de la décision commentée. Les députés ou sénateurs doivent être désignés « en application des textes les organisant », ce qui garantit une certaine objectivité dans le processus de nomination. Cette précision textuelle évite que des nominations discrétionnaires ne viennent contourner les principes d’indépendance nécessaires à l’exercice serein de la fonction législative. Le Conseil constitutionnel souligne que cette règle s’applique aussi bien aux nominations en qualité de parlementaire qu’à celles découlant d’un ancrage local. La loi organique garantit ainsi que la structure d’accueil prévoit explicitement la présence de l’élu dans ses propres statuts ou décrets d’organisation. Cette rigueur juridique assure une transparence indispensable pour justifier le cumul d’une fonction exécutive ou délibérative locale avec une responsabilité nationale.

II. Une conformité constitutionnelle fondée sur la régularité procédurale

A. Le respect des prescriptions des articles 25 et 46 de la Constitution L’examen de la loi organique repose sur le respect scrupuleux de l’article 25 de la Constitution qui renvoie au législateur le soin de fixer les incompatibilités. Le juge constitutionnel vérifie également que la procédure législative a respecté les conditions de quorum et de délais imposées par l’article 46 du texte suprême. En l’espèce, la décision affirme que « la loi organique, prise dans la forme exigée par l’article 25 », satisfait pleinement à ces exigences constitutionnelles. La vérification de la forme prime ici sur une analyse de fond qui aurait pu s’avérer plus intrusive quant aux choix politiques du Parlement. Le Conseil constitutionnel se limite à constater que le législateur a agi dans le cadre de sa compétence naturelle pour définir les limites du mandat. Cette approche minimaliste renforce la sécurité juridique des élus tout en confirmant la primauté de la Constitution dans l’ordonnancement juridique interne.

B. La portée limitée d’une validation dépourvue de réserves d’interprétation La déclaration de conformité totale, prononcée sans aucune réserve, donne une pleine efficacité juridique aux nouvelles dispositions du second alinéa de l’article LO 145. Le dispositif de la décision « est déclaré conforme à la Constitution » sans que le juge n’estime nécessaire de préciser les modalités futures d’application de la loi. Cette solution simple évite les contentieux ultérieurs sur l’interprétation des notions de désignation ou de représentation locale au sein des établissements publics nationaux. La portée de cette décision réside dans la reconnaissance de la liberté du législateur organique pour adapter le droit électoral aux réalités politiques contemporaines. Le Conseil constitutionnel confirme que l’incompatibilité n’est pas un principe immuable mais un mécanisme ajustable tant que les garanties fondamentales du mandat subsistent. La publication de cette décision au Journal officiel marque l’intégration définitive de ces assouplissements dans le régime juridique des assemblées parlementaires françaises.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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