Le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 8 août 1985 portant sur la conformité à la Constitution de la loi relative au statut d’un territoire d’outre-mer. Cette décision examine principalement l’équilibre nécessaire entre le principe de libre administration des collectivités territoriales et l’organisation particulière propre aux territoires d’outre-mer. Les auteurs de la saisine soutenaient que l’instauration d’une majorité qualifiée pour certaines délibérations budgétaires ainsi que le pouvoir de substitution du représentant de l’État étaient inconstitutionnels. Ils considéraient que ces mécanismes portaient une atteinte excessive aux prérogatives des élus locaux et violaient les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution. La question posée au juge constitutionnel consistait à savoir si le législateur peut déroger au droit commun des collectivités pour tenir compte d’une situation géographique spécifique. Le juge a validé l’intégralité du dispositif législatif en considérant que l’article 74 de la Constitution permet de fixer des règles d’organisation répondant à une situation territoriale particulière.
I. La reconnaissance d’une autonomie organisationnelle spécifique au territoire
A. La prééminence de l’organisation particulière des territoires d’outre-mer
Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur dispose d’une compétence étendue pour fixer l’organisation des territoires d’outre-mer en vertu des dispositions de l’article 74. Cette compétence permet d’adapter les structures administratives aux « intérêts propres dans l’ensemble des intérêts de la République » sans être lié par les modèles départementaux classiques. Le juge précise que le législateur « peut prévoir, pour l’un d’entre eux, des règles d’organisation répondant à sa situation spécifique ». Cette interprétation souple de la Constitution autorise ainsi la création d’organes exécutifs originaux dotés de pouvoirs propres pour répondre aux nécessités de la gestion locale. La spécificité de la situation géographique justifie une dérogation aux règles antérieurement en vigueur ou applicables dans les autres collectivités territoriales de la République.
B. Le maintien des attributions effectives de l’assemblée délibérante élue
La liberté du législateur reste toutefois encadrée par le principe fondamental selon lequel les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus selon l’article 72. Le juge constitutionnel souligne que pour s’administrer librement, le territoire doit « disposer d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives » dans les conditions prévues par la loi. L’institution d’un conseil exécutif composé d’élus ne remet pas en cause ce principe car cet organe demeure chargé de préparer et d’exécuter les délibérations. Le texte législatif respecte l’exigence démocratique puisque les membres de cet exécutif sont issus du congrès territorial et élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Cette structure garantit que les décisions locales fondamentales restent soumises au contrôle indirect des représentants de la population territoriale conformément aux exigences de la Constitution.
II. La validation des mécanismes de régulation de l’exécutif local
A. L’admission d’une procédure de substitution par le représentant de l’État
La loi contestée prévoit qu’en cas d’absence de majorité qualifiée persistante, le représentant de l’État peut arrêter certaines décisions en lieu et place du conseil exécutif. Le Conseil constitutionnel juge cette disposition conforme car le pouvoir de substitution est strictement limité aux cas où l’absence de décision compromet les intérêts généraux. Le juge affirme qu’aucune règle de valeur constitutionnelle ne « fait obstacle à ce que la loi permette au haut-commissaire de la République d’exercer un pouvoir de substitution ». Cette intervention étatique est subordonnée à une nouvelle délibération préalable de l’organe local, ce qui préserve la priorité de l’administration autonome sur l’autorité préfectorale. Ce mécanisme de dernier recours assure la continuité du service public et la sauvegarde de l’intérêt général lorsque les blocages politiques locaux empêchent l’adoption du budget.
B. La constitutionnalité de la gestion des emplois de l’administration territoriale
La création d’un emploi de secrétaire général chargé de proposer les nominations aux emplois de direction ne constitue pas une atteinte à la libre administration. Le Conseil constitutionnel observe que le titulaire de ce poste est nommé et peut être remplacé librement par le conseil exécutif composé d’élus. Les articles 72 et 74 de la Constitution « ne font pas obstacle à ce que la loi crée un emploi de secrétaire général » doté de compétences administratives. Ce dernier reçoit mission de proposer des nominations aux emplois de direction et de procéder directement au recrutement concernant les autres emplois de l’administration. Cette organisation technique vise à assurer l’efficacité et la neutralité de la fonction publique territoriale sans dessaisir le pouvoir politique de son autorité finale. Le juge valide ainsi une structuration administrative qui concilie la technicité de la gestion publique avec le contrôle souverain des instances territoriales élues.