Conseil constitutionnel, Décision n° 89-264 DC du 9 janvier 1990

Par une décision rendue le 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la régularité de la procédure d’adoption d’une loi de programmation relative à l’équipement militaire. Le texte avait été adopté après le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution par un ministre assurant l’intérim du Premier ministre alors absent. Les requérants soutenaient que seul le titulaire de la fonction peut engager la responsabilité du Gouvernement et que le décret d’intérim était inopposable faute de publication préalable. Saisie de cette contestation, la haute juridiction devait déterminer si un ministre intérimaire dispose de la compétence pour mettre en œuvre une prérogative constitutionnelle majeure avant la publicité de sa nomination. Le juge affirme que l’intérimaire exerce l’intégralité des pouvoirs attachés à la fonction et que le décret produit un effet immédiat pour assurer la continuité de l’État.

I. La plénitude des compétences de l’intérimaire dans l’engagement de la responsabilité gouvernementale

A. L’assimilation des pouvoirs de l’intérimaire à ceux du titulaire

Le juge constitutionnel affirme que le ministre chargé d’assurer l’intérim « possédait l’intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ». Cette solution consacre une identité juridique parfaite entre le titulaire de la fonction et celui qui le supplée temporairement pour la direction de l’exécutif. L’exercice du pouvoir ne saurait être fragmenté ou amoindri par la nature précaire de la mission confiée au ministre désigné par le décret de nomination. Par conséquent, l’intérimaire « avait compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte » sans que son autorité ne puisse être contestée. Cette interprétation extensive des pouvoirs de remplacement assure que l’organe gouvernemental conserve sa capacité d’action législative même lors des déplacements ou de l’empêchement de son chef.

B. Le respect des conditions procédurales de l’engagement de responsabilité

L’exercice de cette prérogative reste toutefois strictement subordonné au respect des exigences textuelles prévues par le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. La décision souligne que la mise en œuvre de cette procédure n’est soumise à aucune condition autre que celles résultant expressément de la norme suprême. Le Conseil vérifie ainsi que la délibération préalable nécessaire avait effectivement eu lieu lors d’une réunion collégiale tenue quelques mois avant le vote définitif. Dès lors que cette étape obligatoire est franchie, les conditions constitutionnelles se trouvent réunies pour permettre l’adoption du projet de loi selon les modalités contestées. La régularité de la procédure repose ici sur la validité de la délibération collective qui lie l’ensemble des membres de l’organe ministériel devant les députés.

II. L’efficacité immédiate de l’intérim au service de la continuité de l’action gouvernementale

A. Le fondement constitutionnel de la célérité de l’acte de nomination

Le Conseil constitutionnel justifie l’entrée en vigueur instantanée du décret d’intérim en se fondant sur l’article 5 de la Constitution relatif à la continuité de l’État. Le Président de la République doit prendre les dispositions nécessaires pour garantir que l’action gouvernementale ne subisse aucune interruption préjudiciable au bon fonctionnement des pouvoirs publics. En l’espèce, le juge précise que « le décret individuel chargeant un ministre de l’intérim du Premier ministre produit effet immédiatement sans attendre sa publication ». Cette règle dérogatoire permet de pallier toute vacance de pouvoir qui pourrait résulter des délais ordinaires imposés par les formalités administratives de publicité. La protection des intérêts supérieurs de la Nation impose ainsi une application immédiate de l’acte de nomination dès sa signature par l’autorité compétente.

B. L’éviction du régime général de publication des actes individuels

Les auteurs de la saisine invoquaient l’application d’un décret ancien imposant un délai d’un jour franc après la publication pour l’entrée en vigueur des actes. La juridiction écarte ce raisonnement en privilégiant la nécessité politique et constitutionnelle d’une transition rapide et opérationnelle au sommet de la hiérarchie administrative. Le décret de nomination, bien qu’étant un acte individuel, échappe aux règles de publicité de droit commun en raison de sa finalité organique et stratégique. Le juge considère que l’urgence inhérente à la direction des affaires publiques rend inopposables les délais de publication qui s’appliquent habituellement aux autres décisions réglementaires. Cette solution renforce la stabilité des institutions en évitant qu’un vide juridique ne vienne paralyser l’usage des instruments de rationalisation du parlementarisme durant une absence.

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Hassan KOHEN
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