Conseil constitutionnel, Décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990

Par sa décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a examiné la constitutionnalité de la loi relative à la limitation des dépenses électorales. Ce texte législatif instaure un plafonnement des frais de campagne et organise le financement public des formations politiques tout en prévoyant une mesure d’amnistie. Le Premier ministre a déféré l’ensemble de la loi au juge constitutionnel afin de s’assurer de sa parfaite conformité aux principes de la norme suprême. La question centrale porte sur la conciliation entre l’exigence de transparence de la vie politique et la protection des libertés publiques fondamentales. Le juge valide l’essentiel du dispositif sous réserve d’interprétations strictes mais censure le seuil d’accès au financement et une partie du régime de l’amnistie. L’analyse portera d’abord sur l’encadrement du contrôle des dépenses électorales avant d’aborder les limites posées au financement politique et au pouvoir d’amnistie.

I. Le cadre du contrôle des dépenses électorales et la préservation de l’indépendance juridictionnelle

A. La délimitation des prérogatives de la Commission nationale des comptes de campagne

Le législateur a institué une commission chargée de vérifier la régularité des comptes de campagne des candidats aux diverses consultations électorales nationales ou locales. Le Conseil constitutionnel précise immédiatement que cette institution « exerce un contrôle de nature administrative » et ne saurait être assimilée à une autorité judiciaire. Cette qualification interdit à la commission d’autoriser l’exercice de pouvoirs de coercition par les officiers de police judiciaire mandatés pour ses besoins d’investigation. Le juge souligne avec fermeté que « toute autre interprétation serait contraire aux dispositions de la Constitution qui garantissent la liberté individuelle » protégée par l’autorité judiciaire. Cette réserve de constitutionnalité garantit que le recours à la force reste strictement cantonné au cadre d’une procédure pénale sous contrôle du parquet. Le pouvoir administratif de contrôle doit ainsi se limiter au recueil d’informations sans empiéter sur les prérogatives constitutionnelles du gardien de la liberté individuelle.

B. La garantie de la plénitude de juridiction du juge de l’élection

Le contrôle administratif exercé sur les dépenses ne saurait lier le juge administratif saisi d’une contestation portant sur la validité d’un scrutin local. Le Conseil rappelle que l’indépendance des juridictions est garantie par la Constitution et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il en découle que « la position que cette commission adopte […] ne saurait en aucune façon s’imposer au juge administratif » lors de son office. Le magistrat conserve la liberté d’apprécier si le dépassement du plafond des dépenses est réellement constitué avant de prononcer une éventuelle inéligibilité. Cette autonomie juridictionnelle assure que l’autorité administrative ne peut dicter sa solution au juge chargé de trancher le contentieux électoral de manière définitive. La séparation des pouvoirs interdit toute intrusion du pouvoir exécutif ou de ses démembrements dans le fonctionnement des cours et tribunaux de l’ordre administratif.

II. L’encadrement du financement politique et les limites du pouvoir d’amnistie

A. La protection du pluralisme face aux critères de l’aide publique

La loi organise le financement des partis politiques en prévoyant une aide de l’État répartie en fonction des résultats obtenus aux élections législatives. Le Conseil valide le principe de cette aide financière dès lors qu’elle obéit à des critères objectifs respectant les principes d’égalité et de liberté. Cependant, le juge censure la disposition imposant un seuil de 5 % des suffrages exprimés par circonscription pour le calcul de la première fraction. Il estime que ce seuil est « de nature à entraver l’expression de nouveaux courants d’idées et d’opinions » au sein de la vie démocratique. Le respect du pluralisme, fondement de la démocratie, impose que les conditions de financement ne favorisent pas exclusivement les formations politiques déjà solidement établies. L’égalité entre les citoyens et la liberté des partis politiques exigent une accessibilité raisonnable aux fonds publics pour assurer la diversité des courants.

B. La sanction des discriminations injustifiées au sein de la mesure d’amnistie

Le législateur a entendu amnistier les infractions liées au financement des campagnes électorales commises avant le 15 juin 1989, sauf en cas d’enrichissement personnel. Cette mesure d’apaisement politique et social exclut toutefois les membres du Parlement national afin d’éviter qu’ils ne votent une loi en leur faveur. Le Conseil constitutionnel valide cette exclusion pour les personnes ayant la qualité de parlementaire au moment du vote de la loi le 15 juin 1989. En revanche, il censure l’exclusion visant ceux qui possédaient cette qualité uniquement au moment des faits mais l’avaient perdue lors du vote. En retenant ce critère, le législateur a « introduit une discrimination entre les auteurs d’agissements identiques au regard de l’amnistie » sans fondement objectif valable. Cette rupture du principe d’égalité devant la loi pénale ne peut être justifiée par l’objectif de moralisation de la vie publique initialement poursuivi.

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Hassan KOHEN
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