Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 91-303 DC du 15 janvier 1992, examine la conformité de la loi renforçant la protection des consommateurs. Plusieurs députés contestent l’article 10 qui définit les conditions de la publicité comparative en autorisant la citation d’une marque appartenant à un tiers concurrent. Les requérants soutiennent que cette disposition méconnaît les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 protégeant le caractère inviolable et sacré de la propriété. Le juge doit déterminer si l’usage de la marque d’autrui sans son consentement constitue une limitation inconstitutionnelle au droit de propriété du titulaire initial. L’institution écarte le grief en considérant que l’encadrement législatif garantit une protection suffisante tout en servant un objectif d’intérêt général manifeste pour la collectivité. L’examen de la protection constitutionnelle accordée à la propriété commerciale précédera l’analyse de sa conciliation nécessaire avec les impératifs de régulation économique du marché.
I. L’encadrement de la propriété commerciale face à l’innovation publicitaire
A. La consécration constitutionnelle de la propriété des marques incorporelles Le Conseil constitutionnel rappelle que « l’article 2 de la Déclaration de 1789 range la propriété au nombre des droits de l’homme » fondamentaux. Il précise que la protection constitutionnelle s’étend désormais au droit pour le propriétaire d’une marque « d’utiliser celle-ci et de la protéger » juridiquement. Cette reconnaissance jurisprudentielle souligne l’évolution des formes de la propriété vers les actifs immatériels nés de l’activité commerciale et de l’innovation industrielle moderne.
B. Les conditions de licéité de l’usage concurrentiel de la marque d’autrui Le législateur soumet la publicité comparative à l’exigence qu’elle soit « loyale, véridique et qu’elle n’est pas de nature à induire en erreur le consommateur ». La comparaison doit rester « limitée à une comparaison objective » portant sur des « caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables » des produits ou services présentés. Ces limites interdisent notamment de « tirer avantage de la notoriété attachée à une marque » ou de présenter des produits comme une simple réplique servile. Cette réglementation permet d’intégrer le signe d’autrui dans un discours informatif sans vider le droit de propriété de sa substance protectrice initiale.
II. La conciliation proportionnée entre droit de propriété et intérêt général
A. La légitimité de l’objectif de protection et d’information des consommateurs Le juge affirme que l’exercice du droit de propriété subit des limitations « exigées au nom de l’intérêt général » par le législateur compétent. L’introduction de la publicité comparative vise à « améliorer l’information des consommateurs et à stimuler la concurrence » entre les différents acteurs économiques du secteur. Cette finalité sociale justifie une restriction au monopole absolu du propriétaire de la marque dès lors qu’elle favorise la transparence globale des transactions commerciales.
B. La préservation des voies de recours et des sanctions répressives La validité de la réforme repose sur le maintien des sanctions réprimant « les cas de contrefaçon d’une marque ou d’utilisation frauduleuse de celle-ci ». Le dispositif législatif réserve explicitement l’exercice d’une « action en réparation civile s’il y a faute » commise par l’annonceur indélicat lors de la diffusion. Le Conseil constitutionnel conclut ainsi que l’atteinte au droit de propriété n’est pas contraire à la Constitution puisque le dispositif global demeure strictement encadré. La protection des intérêts privés du titulaire de la marque s’efface donc de manière proportionnée devant la nécessité publique d’assurer une concurrence saine.