Le Conseil constitutionnel a rendu, le 18 décembre 1980, une décision capitale relative à une résolution modifiant le règlement d’une assemblée parlementaire. Le juge était saisi de la conformité à la Constitution d’une modification textuelle concernant la procédure législative applicable aux lois de finances.
L’assemblée souhaitait limiter l’obligation de voter la première partie du projet de loi de finances avant la seconde aux seules lois budgétaires de l’année. Une résolution fut adoptée afin d’exclure explicitement les projets de loi de finances rectificative de ce mécanisme de vote global et préalable.
Le texte fut transmis au juge constitutionnel pour un examen de validité au regard des normes supérieures et de l’ordonnance organique de 1959. La question portait sur l’extension des garanties procédurales aux lois financières modifiant l’équilibre budgétaire initial en cours d’exercice.
Le juge décide que les impératifs de l’équilibre financier imposent le respect d’un ordre de discussion identique pour toutes les catégories de lois de finances. La consécration de la priorité de l’équilibre financier précède ainsi l’étude de l’alignement impératif du régime juridique des lois rectificatives.
I. La consécration de la priorité de l’équilibre financier
A. La subordination de la discussion budgétaire au vote des recettes
Le juge rappelle que « la seconde partie de la loi de finances de l’année ne peut être mise en discussion avant le vote de la première partie ». Cette règle assure que le législateur ne pourra pas porter atteinte « aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini » durant l’examen ultérieur des dépenses.
L’architecture de la procédure législative garantit la cohérence entre l’évaluation des ressources de l’État et l’autorisation globale des crédits accordés aux différents services. Le principe fondamental d’équilibre économique et financier, énoncé par l’ordonnance organique, impose cette chronologie rigoureuse lors des débats au sein des assemblées.
B. L’exigence d’une adoption effective des dispositions essentielles
La première partie doit impérativement être adoptée « en celles de ses dispositions qui constituent sa raison d’être » pour permettre la poursuite de l’examen. Le juge cite l’article qui « arrête en recettes et en dépenses les données générales de l’équilibre » comme la condition indispensable du débat parlementaire.
Le rejet de cet article pivot ferait obstacle à la discussion de la seconde partie car l’adoption des dépenses n’aurait alors aucun fondement légal. La protection de la définition préalable de l’équilibre budgétaire constitue une limite constitutionnelle à la liberté d’organisation du travail des membres du pouvoir législatif.
L’unité de cette procédure budgétaire s’étend nécessairement à l’ensemble des textes législatifs financiers, quelle que soit leur dénomination précise au cours de l’année.
II. L’extension des garanties procédurales aux lois rectificatives
A. L’identité de forme entre lois de l’année et lois rectificatives
Les lois de finances rectificatives possèdent la faculté de « modifier, en cours d’année, les dispositions de la loi de finances de l’année » votée précédemment. Elles sont donc présentées « dans les mêmes formes que les lois de finances de l’année » selon les prescriptions explicites de la loi organique.
Cette identité textuelle implique que les rectifications budgétaires peuvent également comporter un article d’équilibre modifiant les prévisions financières déjà arrêtées par les représentants. Le juge rejette toute distinction artificielle entre ces actes législatifs qui concourent à la détermination annuelle des charges ainsi que des ressources publiques.
B. L’inconstitutionnalité de l’exclusion générale opérée par la résolution
La résolution litigieuse méconnaît les exigences organiques en excluant « de façon générale et absolue » les projets rectificatifs du champ d’application du règlement de l’assemblée. Le Conseil constitutionnel affirme que les règles de procédure sont « inséparables du principe fondamental » d’équilibre financier qui s’impose à tout texte budgétaire.
La méconnaissance des articles combinés de l’ordonnance organique entraîne l’invalidité de la modification réglementaire adoptée par la seconde chambre au sein du Parlement. Cette décision renforce la hiérarchie des normes en soumettant l’autonomie des assemblées aux principes constitutionnels supérieurs de la gestion des finances nationales.