Le Conseil constitutionnel a rendu le 11 août 1993 une décision majeure relative à la réforme de la procédure pénale française. Plusieurs sénateurs ont saisi la haute instance pour contester la constitutionnalité de dispositions modifiant le régime juridique de la garde à vue. Les requérants soutenaient que l’information tardive du procureur de la République portait atteinte à l’efficacité du contrôle exercé sur la liberté individuelle. Ils critiquaient également les modalités d’intervention de l’avocat et la possibilité de placer en cellule des mineurs de moins de treize ans. La question posée au juge portait sur la conciliation entre les nécessités de l’enquête judiciaire et la sauvegarde des libertés fondamentales. Le Conseil valide l’essentiel de la procédure mais censure la privation totale du conseil ainsi que la détention des très jeunes mineurs.
I. Le contrôle de la garde à vue par l’autorité judiciaire
A. Le rôle conforté du procureur de la République
L’article 66 de la Constitution dispose que l’autorité judiciaire assure le respect de la liberté individuelle dans les conditions prévues par la loi. Les sages précisent que cette autorité comprend à la fois les magistrats du siège et ceux composant les parquets des tribunaux. Le législateur peut donc confier au procureur de la République le pouvoir d’autoriser la prolongation d’une mesure de garde à vue. Cette solution écarte le grief des requérants qui exigeaient l’intervention systématique d’un juge du siège pour toute rétention dépassant vingt-quatre heures. L’institution judiciaire conserve ainsi sa pleine compétence pour surveiller les conditions d’exécution des mesures restrictives de liberté ordonnées par la police.
B. L’encadrement temporel de l’information du magistrat
Le Conseil examine l’expression précisant que l’officier de police judiciaire informe le magistrat d’une mise en garde à vue « dans les meilleurs délais ». Cette formulation ne saurait autoriser une rétention arbitraire sans un contrôle effectif et rapide par le procureur de la République territorialement compétent. Le juge constitutionnel émet une réserve d’interprétation en exigeant que cette information s’effectue obligatoirement dans le plus bref délai possible. Il considère que les nécessités de l’enquête ne peuvent justifier un retard excessif qui priverait le justiciable de ses droits légaux. Cette exigence garantit que le magistrat puisse exercer son pouvoir de contrôle sur la qualification des faits et la régularité de la mesure.
II. La garantie d’une égalité effective devant les droits de la défense
A. La condamnation des discriminations dans l’accès à l’avocat
Le droit de s’entretenir avec un avocat durant la phase d’enquête constitue un droit de la défense dont l’exercice doit rester protégé. Le législateur avait prévu de différer ce droit pour certaines infractions graves comme le proxénétisme ou les crimes commis en bande organisée. Le Conseil admet que des modalités différentes puissent exister selon la complexité des faits mais il refuse toute suppression totale de cette assistance. Dénier à un gardé à vue tout droit à l’avocat pour des raisons liées à la nature de l’infraction méconnaît le principe d’égalité. Cette rupture entre les justiciables est déclarée inconstitutionnelle car elle affecte une garantie essentielle dont l’équilibre ne saurait dépendre de la seule gravité pénale.
B. La protection renforcée de l’enfance délinquante
L’article 29 de la loi déférée permettait le placement en garde à vue de mineurs âgés de moins de treize ans pour des crimes graves. Le Conseil se fonde sur l’article 9 de la Déclaration de 1789 pour exiger des garanties particulières lors de l’arrestation d’un enfant. Une telle mesure de coercition ne peut être mise en œuvre que dans des cas exceptionnels et sous le contrôle d’un magistrat spécialisé. Le régime de droit commun de la garde à vue, même adapté, ne répond pas aux exigences constitutionnelles de protection de la jeunesse. En censurant cette disposition, le juge consacre l’existence de principes fondamentaux interdisant de traiter les enfants comme des délinquants adultes ordinaires.