Conseil constitutionnel, Décision n° 93-336 DC du 27 janvier 1994

Par sa décision n° 93-335 DC du 7 janvier 1994, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité d’une loi organique relative au statut de la magistrature. Cette réforme législative tire les conséquences de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 ayant modifié en profondeur la structure et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature. L’examen porte sur les garanties d’indépendance des magistrats, les procédures disciplinaires applicables au parquet et les règles d’incompatibilité avec des mandats électoraux ou professionnels. Le litige porte sur la conciliation entre les pouvoirs de gestion de l’exécutif et les principes de valeur constitutionnelle garantissant l’autonomie de l’autorité judiciaire française. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte en affirmant que les garanties statutaires doivent être fixées par la loi organique pour protéger efficacement les magistrats du siège. Le renforcement des garanties statutaires précède ainsi l’examen de l’encadrement déontologique des magistrats au regard des principes constitutionnels d’égalité et d’indépendance.

I. Une protection statutaire renforcée par la réserve de loi organique

A. L’exclusion du pouvoir réglementaire en matière de garanties fondamentales

Le juge constitutionnel précise que l’article 64 de la Constitution impose au législateur organique de définir lui-même les règles fondamentales régissant la carrière des magistrats judiciaires. Cette exigence vise à « accroître les garanties d’ordre statutaire accordées aux magistrats de l’ordre judiciaire » en limitant la compétence réglementaire du gouvernement dans cette matière sensible. La loi organique doit par suite « déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats », sous la seule réserve de mesures d’application déléguées au pouvoir réglementaire. L’encadrement législatif doit impérativement respecter le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire ainsi que « la règle de l’inamovibilité des magistrats du siège ».

B. La garantie d’indépendance par le contrôle des nominations et sanctions

La décision entérine la suppression de la commission de discipline du parquet au profit d’un transfert de ces attributions vers le Conseil supérieur de la magistrature réformé. Cette évolution institutionnelle permet de renforcer l’unité du corps judiciaire tout en préservant l’indépendance de l’autorité judiciaire face aux interventions du ministre de la justice. Le Conseil constitutionnel souligne néanmoins que les recommandations du jury de l’école nationale de la magistrature « ne sauraient lier le Conseil supérieur de la magistrature » lors des nominations. L’instance de nomination doit conserver une liberté totale d’appréciation pour garantir que les choix de carrière reposent exclusivement sur le mérite et l’impartialité des candidats.

II. Un encadrement déontologique concilié avec le principe d’égalité

Le raffermissement de l’indépendance statutaire trouve son complément nécessaire dans un encadrement strict des obligations déontologiques pesant sur les membres de l’autorité judiciaire française.

A. La légitimité des restrictions liées aux fonctions et au ressort territorial

L’article 2 de la loi organique instaure des incompatibilités entre les fonctions de magistrat et l’exercice de mandats au sein des diverses assemblées territoriales ou régionales. Le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d’égalité car elles se fondent sur des critères objectifs liés au ressort des juridictions. L’interdiction d’exercer certaines professions libérales comme avocat ou notaire pendant cinq ans après la cessation des fonctions judiciaires est également déclarée conforme à la Constitution. Ces limitations visent à prévenir tout conflit d’intérêts et à maintenir la dignité des fonctions judiciaires même après que le magistrat a quitté son service actif.

B. La validation sous réserve du dispositif d’évaluation des magistrats

Le législateur organique peut instaurer une évaluation biennale des magistrats à condition que celle-ci respecte le principe d’indépendance et repose sur des éléments purement professionnels. Le Conseil constitutionnel valide l’exclusion de certains hauts magistrats du siège et du parquet de ce dispositif en raison de la nature particulière de leurs responsabilités administratives. Le contrôle exercé par le ministre sur les activités privées des magistrats en disponibilité doit être justifié par l’honneur, la probité ou le fonctionnement normal de la justice. Le respect du principe de continuité des services publics autorise enfin un report de l’entrée en vigueur de certaines réformes institutionnelles pour permettre l’installation des instances.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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