Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 novembre 1995, la décision n° 95-365 DC concernant une résolution modifiant le règlement intérieur d’une assemblée parlementaire. Cette espèce s’inscrit dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 4 août 1995 ayant instauré la session parlementaire unique. L’assemblée législative a adopté un texte destiné à adapter ses modalités de fonctionnement aux nouvelles exigences temporelles et aux réformes des immunités. La conformité de ces dispositions doit être examinée au regard de la Constitution et des lois organiques relatives au fonctionnement des pouvoirs publics.
La procédure résulte de la saisine automatique du Conseil constitutionnel en vertu du premier alinéa de l’article 61 du texte suprême. Cette saisine vise à garantir que les règles d’organisation interne ne contreviennent pas aux équilibres fondamentaux définis par la charte constitutionnelle. Les prétentions de l’organe délibérant tendaient à fluidifier le travail législatif tout en renforçant l’information des membres de l’institution sur l’ordre du jour. Le juge constitutionnel devait ainsi déterminer si une assemblée peut légalement octroyer à ses membres un rôle actif dans le déclenchement des irrecevabilités.
Le problème juridique repose sur la conciliation entre l’autonomie réglementaire parlementaire et les prérogatives constitutionnelles exclusives dont dispose le pouvoir exécutif. Il s’agit de savoir si le règlement intérieur peut modifier la mise en œuvre de l’article 41 de la Constitution sans en dénaturer l’esprit. Le Conseil constitutionnel censure les dispositions impliquant les membres de l’assemblée dans l’initiative des irrecevabilités mais valide le reste de la résolution sous réserves. L’étude portera d’abord sur la protection des prérogatives gouvernementales avant d’analyser l’encadrement du nouveau cadre temporel de la session.
I. La protection rigoureuse des prérogatives gouvernementales
A. Le monopole de l’initiative en matière d’irrecevabilité législative
Le juge rappelle que le mécanisme d’irrecevabilité prévu à l’article 41 de la Constitution constitue une arme spécifique aux mains du pouvoir exécutif. La résolution examinée visait à permettre à tout membre de l’assemblée de demander au Gouvernement d’opposer cette irrecevabilité durant les débats. Le Conseil constitutionnel écarte cette innovation en soulignant que cette faculté « doit résulter de la seule initiative du Gouvernement » souverain dans ses choix. L’intervention d’un parlementaire dans ce processus est jugée contraire au texte constitutionnel car elle pourrait contraindre l’appréciation discrétionnaire de l’autorité ministérielle. L’exigence d’un débat préalable sur cette demande est également rejetée pour préserver la célérité et la nature spécifique de cette procédure.
B. La préservation de l’autorité décisionnelle du président de l’assemblée
La résolution prévoyait la possibilité pour le président de l’institution de consulter des organes internes avant de se prononcer sur une irrecevabilité. Le juge constitutionnel considère que cette consultation facultative ne porte pas atteinte aux « prérogatives personnelles que le Président de l’Assemblée nationale tient » de la Constitution. Cette validation repose sur le caractère purement indicatif de l’avis sollicité qui ne lie aucunement l’autorité investie du pouvoir de décision. Le respect de la hiérarchie des normes impose que le règlement n’altère pas la répartition des compétences fixée par les lois organiques. Cette solution confirme l’autonomie administrative de l’assemblée tout en maintenant le respect strict du cadre juridique supérieur imposé par le constituant.
II. L’aménagement encadré du rythme des travaux parlementaires
A. La subordination du règlement intérieur au nouveau calendrier constitutionnel
La réforme de 1995 a instauré une limite de cent vingt jours de séance tout en maintenant des facultés de dépassement exceptionnelles. Le Conseil constitutionnel précise que les modalités de fixation des horaires déterminées par le règlement ne doivent pas entraver les prérogatives du Gouvernement. Les dispositions internes ne sauraient « faire obstacle au pouvoir que le Premier ministre tient » de décider de la tenue de jours de séance supplémentaires. L’organisation du travail législatif doit ainsi rester compatible avec les nécessités de l’action gouvernementale dans un cadre temporel désormais plus contraint. La primauté de la norme suprême assure que l’autonomie de chaque chambre ne devienne pas un obstacle à la continuité du service public.
B. L’adaptation technique des procédures aux réformes de fond
La décision valide également les ajustements relatifs au régime des immunités parlementaires et aux modalités de dépôt des projets de loi. Les juges vérifient que ces modifications « ne sont contraires à aucune disposition constitutionnelle » et respectent les droits fondamentaux garantis aux membres du Parlement. L’abrogation de chapitres entiers du règlement est justifiée par la suppression de titres correspondants au sein de la Constitution lors de la révision. La portée de cette décision réside dans l’affirmation d’une interprétation cohérente des textes pour assurer la stabilité des institutions républicaines. Le Conseil constitutionnel veille ainsi à ce que l’évolution des pratiques parlementaires s’insère harmonieusement dans le nouvel équilibre des pouvoirs.