Le Conseil constitutionnel a rendu le 9 avril 1996 une décision relative à la loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier. Des membres du Sénat ont saisi la juridiction pour contester la constitutionnalité des modalités de transfert d’entreprises publiques et de la validation d’offres de prêts. Ils considéraient que la fixation de critères de taille pour les privatisations méconnaissait l’étendue de la compétence législative fixée par l’article 34 de la Constitution. Les requérants dénonçaient également une atteinte à la séparation des pouvoirs par la validation rétroactive de contrats de prêt non conformes au code de la consommation. Le litige opposait ainsi la souveraineté du législateur à la protection des droits acquis et à la stabilité des situations juridiques en cours. Le Conseil devait déterminer si la loi peut déléguer l’approbation de transferts de propriété et valider des actes irréguliers pour un motif d’intérêt général. La haute instance a validé les dispositions en précisant que le législateur peut fixer des critères d’intervention et modifier les règles applicables aux litiges pendants.
**I. L’encadrement de la compétence législative en matière de transferts de propriété**
**A. La faculté de déterminer des critères légaux de privatisation**
L’article 34 de la Constitution confère au législateur la mission de fixer les règles concernant les transferts de propriété d’entreprises du secteur public. Toutefois, le juge constitutionnel précise que « il n’impose pas que toute opération de transfert du secteur public au secteur privé soit directement décidée par le législateur ». Cette interprétation souple permet aux autorités publiques de recourir à des critères de taille et de chiffre d’affaires pour organiser les sorties du giron étatique. Le Parlement peut ainsi « déterminer des critères en fonction desquels ces transferts pourront être approuvés par les autorités ou organes désignés par lui ». La loi définit le cadre général de l’opération tandis que l’administration exécute la décision selon des seuils financiers et humains préalablement établis. Cette répartition des rôles respecte la hiérarchie des normes tout en assurant une gestion efficace du patrimoine public par le pouvoir exécutif.
**B. La préservation des garanties constitutionnelles par le contrôle juridictionnel**
La délégation de l’approbation des transferts à l’autorité administrative ne constitue pas un blanc-seing accordé par le législateur au Gouvernement pour agir sans limite. Le juge rappelle que « dans l’exercice de la compétence qu’il tient de l’article 34, le législateur ne saurait méconnaître aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ». L’administration doit veiller à ce que la privatisation ne porte pas atteinte à « des services publics dont l’existence et le fonctionnement seraient exigés par la Constitution ». Cette réserve fondamentale protège les activités essentielles de la Nation contre une aliénation qui compromettrait la continuité du service ou les droits fondamentaux. Le contrôle du juge administratif demeure l’ultime garantie pour vérifier que les critères de transfert sont appliqués conformément aux exigences de la loi fondamentale.
**II. La validation législative des contrats au nom de l’intérêt général**
**A. La conciliation entre rétroactivité et séparation des pouvoirs**
Le législateur dispose du pouvoir de modifier rétroactivement les règles de droit pour corriger des erreurs d’interprétation ou sécuriser des situations juridiques fragiles. Cette faculté n’est pas absolue car elle doit respecter la séparation des pouvoirs et s’interdire toute injonction directe envers les magistrats du siège. Le Conseil affirme que le législateur peut intervenir « au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives » pour modifier les règles applicables. Cette action est toutefois conditionnée par le respect des « décisions de justice passées en force de chose jugée » afin de ne pas censurer le travail judiciaire. L’intervention législative ne remplace pas le jugement mais fournit une nouvelle règle que le magistrat devra appliquer souverainement aux litiges dont il est saisi.
**B. La protection de l’équilibre financier du système bancaire**
La validité d’une loi rétroactive repose impérativement sur l’existence d’un motif d’intérêt général suffisant pour justifier l’atteinte aux prévisions légitimes des cocontractants. En l’espèce, le législateur « a entendu éviter un développement des contentieux d’une ampleur telle qu’il aurait entraîné des risques considérables pour l’équilibre financier du système bancaire ». Le juge constitutionnel s’interdit de substituer son propre jugement à celui du Parlement concernant l’opportunité de la mesure ou l’évaluation précise des risques économiques. Il se borne à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation car il ne dispose pas d’un « pouvoir d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement ». La préservation de l’activité économique générale justifie ainsi que les emprunteurs soient privés du bénéfice d’une nullité formelle pour garantir la solvabilité des banques.