Le Conseil constitutionnel, par une décision du 16 juillet 1996, No. 96-377 DC, s’est prononcé sur la conformité d’une loi renforçant la répression du terrorisme. Cette saisine parlementaire intervenait dans un contexte de durcissement législatif visant à protéger l’ordre public contre des menaces criminelles graves. Plusieurs membres du Parlement contestaient notamment l’assimilation de l’aide au séjour irrégulier à un acte de terrorisme et l’extension des perquisitions nocturnes. La haute juridiction devait déterminer si ces mesures portaient une atteinte excessive aux principes de nécessité des peines et d’inviolabilité du domicile. Les juges ont partiellement censuré le texte en invoquant une « disproportion manifeste » entre les comportements incriminés et la qualification terroriste retenue. La décision précise également l’étendue de l’immunité familiale pour les étrangers et valide la déchéance de nationalité pour les citoyens naturalisés. L’analyse de cette jurisprudence conduit à examiner l’encadrement de la répression de l’aide au séjour, avant d’aborder la protection des libertés face aux procédures d’enquête.
I. L’encadrement rigoureux de la répression pénale liée à l’aide au séjour
A. La censure de l’assimilation disproportionnée de l’aide au séjour au terrorisme
Le Conseil censure l’article premier intégrant l’aide au séjour irrégulier dans le champ des infractions terroristes définies par le Code pénal. Les juges soulignent que ce délit réprime « un simple comportement d’aide directe ou indirecte » sans relation immédiate avec la commission d’attentats. L’application de règles procédurales dérogatoires et l’aggravation des peines paraissent injustifiées au regard de la nature matérielle des faits reprochés. Le législateur a ainsi commis une « disproportion manifeste » en assimilant une infraction de police des étrangers à une entreprise de terreur. Cette position réaffirme le principe constitutionnel de nécessité des peines inscrit à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme.
B. La validation du périmètre restreint de l’immunité familiale
L’article 25 de la loi instaurant une immunité pénale pour les proches aidant un étranger en situation irrégulière est déclaré conforme à la Constitution. Les requérants dénonçaient une rupture d’égalité car le texte excluait les frères, les sœurs ainsi que les concubins du bénéfice de cette protection. Le Conseil estime pourtant que le législateur peut limiter cette dérogation humanitaire aux seuls ascendants, descendants et conjoints non séparés. Cette distinction de traitement répond à l’objectif d’intérêt général consistant à lutter efficacement contre l’immigration clandestine sur le territoire national. La définition du délit d’aide ne méconnaît pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
II. La protection des garanties fondamentales face aux mesures de sûreté
A. La limitation des perquisitions nocturnes au seul cadre de la flagrance
L’extension des visites domiciliaires nocturnes aux enquêtes préliminaires et aux instructions préparatoires constitue une atteinte excessive à la liberté individuelle garantie par la Constitution. La recherche des auteurs d’infractions est nécessaire mais elle doit se concilier avec le respect fondamental de l’inviolabilité du domicile privé. Le Conseil valide ces opérations uniquement pour les cas de flagrance, sous réserve d’une autorisation judiciaire écrite et motivée par un magistrat. L’absence de garanties suffisantes pour les autres phases de la procédure pénale justifie la censure partielle de l’article 10 de la loi. L’autorité judiciaire demeure la gardienne indispensable des libertés face aux nécessités parfois envahissantes de l’ordre public.
B. La constitutionnalité de la déchéance de nationalité pour les citoyens naturalisés
La possibilité de déchoir de la nationalité française une personne l’ayant acquise, en cas de condamnation pour terrorisme, ne viole pas le principe d’égalité. Bien que les citoyens par acquisition et par naissance soient dans une situation juridique identique, la gravité des actes commis autorise cette différence. Cette sanction administrative reste strictement encadrée dans le temps, tant pour la perpétration des faits que pour le prononcé de la décision finale. Le Conseil considère que l’objectif de renforcement de la lutte antiterroriste justifie cette mesure exceptionnelle au regard des exigences de la sûreté nationale. La sévérité de la peine n’apparaît pas ici disproportionnée compte tenu de la menace particulière que représente l’entreprise terroriste.