Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 décembre 1996, une décision fondamentale relative à la loi de finances pour l’année 1997. Plusieurs membres du Parlement ont contesté la conformité de nombreuses dispositions de ce texte législatif au bloc de constitutionnalité. Les requérants invoquaient principalement une rupture d’égalité devant l’impôt concernant le plafonnement de certains avantages liés à la situation de famille. Ils critiquaient également l’existence de cavaliers budgétaires et la méconnaissance alléguée du principe de sincérité au regard de l’équilibre financier. Le juge constitutionnel devait déterminer si le législateur peut différencier le bénéfice d’une réduction d’impôt entre des contribuables isolés. Il devait aussi se prononcer sur la nature budgétaire de diverses mesures sociales et économiques intégrées dans le texte financier. Le Conseil décide que « le législateur a méconnu le principe de l’égalité devant l’impôt » en traitant différemment les veufs et les célibataires. L’analyse portera sur l’affirmation du principe d’égalité fiscale avant d’examiner le contrôle de la régularité des dispositions de la loi.
I. L’affirmation du principe d’égalité devant les charges publiques
A. La censure d’une distinction injustifiée entre contribuables isolés
Le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur peut différencier l’octroi d’avantages fiscaux sous réserve de critères objectifs et rationnels. L’article 2 de la loi limitait le plafond de la réduction d’impôt pour les seuls contribuables célibataires et divorcés. Les juges soulignent qu’au « regard de la demi-part supplémentaire qui leur est accordée », les veufs et célibataires sont dans une situation identique. L’avantage fiscal repose sur l’isolement du contribuable et la reconnaissance de ses charges antérieures de famille pour l’ensemble des catégories. En limitant l’abaissement du plafond aux seuls divorcés et célibataires, le législateur institue une différence de traitement dépourvue de justification. Cette mesure contrevient ainsi directement au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt tel qu’interprété par la jurisprudence du Conseil.
B. La reconnaissance de la validité des mesures d’alignement fiscal
La décision valide en revanche l’extension du plafonnement de l’abattement de 20 % à certains revenus non salariaux pour assurer la transparence fiscale. Le législateur a entendu aligner la situation des artisans et professionnels libéraux sur celle des salariés bénéficiant déjà de cette règle. Cette mesure vise à prendre en compte la connaissance croissante par l’administration fiscale des revenus réels de ces catégories de contribuables. Le Conseil estime qu’en « appliquant les mêmes règles à des contribuables placés dans des situations analogues, le législateur n’a pas méconnu » la Constitution. Cette solution confirme la faculté pour le pouvoir législatif de réduire les disparités de traitement entre les différentes sources de revenus. L’appréciation des critères de transparence relève du pouvoir discrétionnaire du législateur dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs.
II. Le contrôle de la régularité des dispositions de la loi de finances
A. L’écartement des griefs relatifs à la sincérité et à la confiance légitime
Les requérants contestaient le prélèvement exceptionnel sur les organismes de formation en invoquant une spoliation et une atteinte à la liberté contractuelle. Le juge constitutionnel rejette ces arguments en observant que la contribution ne porte pas atteinte au système de financement global. Il précise de manière fondamentale qu’aucune « norme constitutionnelle ne garantit par ailleurs un principe dit ‘de confiance légitime’ » dans l’ordre juridique français. La décision écarte également le grief relatif à l’absence de sincérité budgétaire concernant la contribution forfaitaire d’une grande entreprise publique. Les sommes versées au budget de l’État concourent aux conditions générales de l’équilibre sans devoir être affectées à une dépense particulière. La sincérité budgétaire s’apprécie au regard de l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre financier de la loi.
B. Le rejet de la qualification de cavalier budgétaire pour les mesures sociales
Le Conseil constitutionnel examine la recevabilité de nombreux articles critiqués comme étant étrangers au domaine exclusif des lois de finances. Les dispositions relatives à la revalorisation des retraites agricoles ou à l’aide aux chômeurs présentent une incidence financière directe sur l’État. Le juge considère que ces mesures sociales traduisent des économies ou des charges nouvelles affectant l’équilibre défini par l’ordonnance organique. Les articles contestés sont ainsi « au nombre des dispositions qui peuvent figurer dans une loi de finances » grâce à leur impact comptable. Cette interprétation permet l’insertion de réformes structurelles dès lors qu’elles modifient substantiellement les flux financiers pesant sur les comptes publics. La délimitation du domaine des lois de finances reste donc étroitement liée à la réalité des conséquences pécuniaires pour le budget national.