Conseil constitutionnel, Décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998

Par sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1999. Saisi par des députés et des sénateurs, le juge devait se prononcer sur la régularité de nombreuses dispositions relatives à la fiscalité des ménages et des entreprises. Les requérants contestaient notamment la sincérité de la présentation budgétaire, le plafonnement du quotient familial ainsi que diverses modalités de l’impôt de solidarité sur la fortune. Ils invoquaient des griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques et d’une atteinte excessive au droit de propriété des citoyens. La question centrale posée au juge constitutionnel concernait la conciliation entre les objectifs budgétaires de l’État et le respect des capacités contributives réelles des contribuables français. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte mais censure deux articles relatifs à l’imposition de la nue-propriété et au recouvrement d’une taxe locale saisonnière.

I. La conciliation des objectifs budgétaires avec les principes d’égalité et de sincérité

A. La préservation de la sincérité budgétaire et de la politique familiale

Les parlementaires soutenaient que certaines recettes fiscales demeuraient rattachées par voie de fonds de concours, altérant ainsi la sincérité de la loi de finances initiale. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en précisant que la qualification donnée à ces recettes est « sans incidence sur l’évaluation du déficit prévisionnel » du budget général. Il estime que les principes d’universalité et de sincérité ne sont pas méconnus dès lors que les mécanismes financiers sont définis de façon distincte et précise. Concernant l’abaissement du plafond du quotient familial, le juge rappelle que le législateur peut librement choisir les « modalités d’aide aux familles qui lui paraissent appropriées ». Cette mesure ne remet pas en cause l’exigence constitutionnelle de solidarité nationale en faveur de la famille tant que les autres aides directes demeurent maintenues. Le législateur a ainsi fondé son appréciation sur des « critères objectifs et rationnels en fonction du but qu’il s’était assigné » sans créer de rupture d’égalité.

B. L’application du principe d’égalité aux mesures fiscales structurelles

Le grief tiré de la rupture d’égalité est également écarté concernant la réforme de la taxe professionnelle et l’aménagement du régime des micro-entreprises. Le juge constitutionnel considère que le principe d’égalité « ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes » ni à l’intérêt général. Ainsi, l’allègement de la charge pesant sur certaines entreprises pour encourager l’activité économique n’entraîne pas de « rupture caractérisée de l’égalité entre ceux-ci ». Les disparités de traitement entre les sociétés cotées et les autres entreprises concernant l’avoir fiscal sont jugées comme de simples difficultés pratiques de mise en œuvre. Ces obstacles administratifs n’entachent pas d’inconstitutionnalité les dispositions déférées puisque le législateur a poursuivi un objectif de simplification cohérent avec l’objet de la loi. La liberté de gestion de l’État et des collectivités territoriales se trouve ainsi préservée sous réserve du respect des garanties minimales de ressources fiscales.

II. Le contrôle strict des modalités d’imposition et des garanties de compétence

A. La censure d’un mode de calcul inconstitutionnel de la capacité contributive

L’article 15 prévoyait d’inclure dans le patrimoine du nu-propriétaire la valeur en pleine propriété des biens dont la propriété était démembrée pour l’impôt sur la fortune. Le Conseil constitutionnel rappelle que cet impôt doit frapper la « capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens » et les revenus qu’ils procurent. Or, un nu-propriétaire ne tire par définition aucun revenu immédiat du bien dont il possède seulement la propriété juridique sans l’usage ni les fruits. Le juge censure cette disposition car l’impôt est « appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables » pour respecter l’article 13 de la Déclaration de 1789. En taxant une valeur fictive sans rapport avec les facultés réelles du contribuable, le législateur a instauré une charge excessive contraire à la Constitution. Cette décision protège ainsi le lien nécessaire entre l’assiette d’une imposition annuelle et les revenus réels dont dispose effectivement le redevable pour payer sa dette.

B. La sanction de l’incompétence négative en matière de recouvrement fiscal

Le juge constitutionnel examine ensuite l’article 99 qui permettait aux communes d’instaurer une taxe saisonnière sans préciser les modalités de son recouvrement par l’administration municipale. Il appartient exclusivement au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant « les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Le Conseil constate que le législateur a « méconnu l’étendue de la compétence qu’il tient de l’article 34 » en ne définissant pas ces règles avec précision. En se bornant à prévoir une possibilité de poursuite solidaire sans cadre juridique rigoureux, le texte législatif a laissé place à une forme d’arbitraire administratif. Cette incompétence négative entraîne la censure de l’article litigieux indépendamment des autres moyens invoqués par les requérants sur le fond de la taxe. Le respect de la vie privée est toutefois sauvegardé concernant l’usage du numéro d’inscription au répertoire national dès lors que des garanties strictes l’encadrent.

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Hassan KOHEN
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